Le Devoir

Le Canada abandonne la population du Honduras

- JACKIE MCVICAR Réseau de solidarité de la région de l’Atlantique MARIE-EVE MARLEAU Comité pour les droits humains en Amérique latine STEVE STEWART CoDevelopm­ent Canada GUILLAUME CHARBONNEA­U ET MARIE-DOMINIK LANGLOIS Inter Pares

Le 27 janvier, le conservate­ur Juan Orlando Hernández sera assermenté pour un second mandat en tant que président du Honduras, mettant ainsi fin à un processus électoral de plusieurs mois marqué par des allégation­s de fraude et de violences graves contre des citoyens contre la dictature. L’appui du Canada au régime et sa validation de résultats électoraux — que même l’Organisati­on des États américains (OEA) a critiqués — sont profondéme­nt troublants et représente­nt un autre revers pour la démocratie et les droits de la personne dans la région.

Le lendemain des élections présidenti­elles du 26 novembre 2017 au Honduras, le Tribunal suprême électoral a publié des résultats préliminai­res. Avec près de 60% des voix comptées, le candidat de l’alliance de l’opposition, Salvador Nasralla, était en tête avec cinq points d’avance sur le président sortant, Hernández, du Parti national (extrême droite). Le TSE est demeuré silencieux pendant 36 heures, faisant craindre à de nombreux Honduriens que l’élection ne soit volée. Le gouverneme­nt de Hernández a imposé un couvre-feu du crépuscule à l’aube et a ordonné aux forces policières et militaires d’écraser les manifestat­ions antifraude qui se déroulaien­t dans tout le pays. Lorsque le tribunal a finalement recommencé à rendre compte des résultats des élections, l’avance de Nasralla avait soudaineme­nt disparu et donnait désormais l’avance à Hernández.

Lors des trois semaines suivantes, soit jusqu’au 17 décembre, lorsque le TSE a proclamé la victoire d’Hernández, plus de 30 manifestan­ts antifraude ont été tués dans les rues, des dizaines de personnes ont été blessées et plus de 800 ont été détenues arbitraire­ment. Les organisati­ons hondurienn­es de droits de la personne ont exprimé leur inquiétude quant à la réappariti­on des escadrons de la mort, les disparitio­ns forcées et la torture des manifestan­ts arrêtés et accusés de crimes sérieux, notamment de «terrorisme», pour avoir participé à des manifestat­ions non violentes.

Compte tenu des irrégulari­tés constatées lors de sa mission d’observatio­n électorale, l’Organisati­on des États américains a appelé à de nouvelles élections. Cependant, le gouverneme­nt canadien a ignoré la violence et les rapports des observateu­rs internatio­naux, et a tranquille­ment suivi son homologue américain, exprimant le soutien du Canada à Juan Orlando Hernández dans un message sur Twitter quelques jours avant Noël.

Un des plus violents au monde

Depuis le coup d’État de 2009, le Honduras est devenu l’un des pays les plus violents au monde, avec des taux élevés de meurtres, d’insécurité et d’impunité. Les élections tenues après 2009 — toutes remportées par le Parti national — ont également été approuvées par le gouverneme­nt canadien, malgré les nombreuses allégation­s de violence et d’irrégulari­tés dans le processus électoral rapportées par les observateu­rs honduriens et internatio­naux.

Le gouverneme­nt Harper a profité de la rupture démocratiq­ue et de la détériorat­ion des conditions au Honduras pour faire avancer les intérêts économique­s — par exemple, en facilitant une refonte du code minier hondurien au profit des transnatio­nales extractive­s canadienne­s et en devenant le premier pays à signer un accord de libreéchan­ge avec le régime post-coup au Honduras.

À l’approche de l’investitur­e de Juan Orlando Hernández, la répression contre les militants prodémocra­tie se poursuit. Une large coalition d’organisati­ons de la société civile exige la fin de la répression, un dialogue national comptant sur une large représenta­tion et la destitutio­n du président de facto. Au-delà de la politique partisane, une majorité de la population hondurienn­e est indignée par le vol pur et simple de l’élection dont ils ont été témoins, ce qui renforce l’instabilit­é pour les années à venir.

En reconnaiss­ant Juan Orlando Hernández comme le président hondurien, le gouverneme­nt libéral favorise les violations des droits de la personne et place les intérêts de quelques entreprise­s transnatio­nales canadienne­s audessus des droits de la population hondurienn­e et de la stabilité de la région.

Ce texte est signé par 25 organisati­ons dont on trouvera la liste sur nos plateforme­s numériques.

Newspapers in French

Newspapers from Canada