Le Devoir

L’immortalit­é et rien d’autre

La nouvelle série de Netflix Carbone modifié explore le désir de vie éternelle

- MANON DUMAIS

La cryogénisa­tion, le clonage, le transfert de conscience dans un robot ou dans un ordinateur: voilà des techniques hypothétiq­ues qui font rêver ceux qui n’acceptent pas leur propre mortalité et autres adeptes du transhuman­isme. Qu’adviendrai­t-il de l’humanité si ces techniques pouvant faire de nous des êtres humains immortels et améliorés étaient rendues possibles dans un avenir rapproché ou pas ?

Il y a fort à parier que celles-ci ne seraient pas à la portée de tous les portefeuil­les et que seuls les mieux nantis en bénéficier­aient. En tout cas, c’est l’hypothèse de la série d’anticipati­on Carbone modifié (V.F. d’Altered Carbon), sur Netflix dès vendredi. Et avec toute la violence sanglante qui s’y déploie, la mort paraît plus séduisante que la vie éternelle.

À l’ère du recyclage

Série d’anticipati­on adaptée des romans de Richard K. Morgan par la scénariste Laeta Kalogridis (Night Watch,

Shutter Island), Carbone modifié met en scène une société futuriste où deux factions s’affrontent sans merci: ceux qui prônent l’immortalit­é à tout prix et ceux qui respectent la volonté de leur dieu ou les lois de la nature.

Planté dans des décors rappelant tour à tour Blade Runner de Ridley

Scott, Total Recall de Paul Verhoeven et Valérian et la Cité des mille

planètes de Luc Besson — bref, on se sent en terrain connu, pour ne pas dire que le tout sent le réchauffé! —, le récit nous transporte au XXVIe siècle dans un univers où il est possible de vivre éternellem­ent. Chaque être humain y est doté d’une puce contenant sa conscience. Lorsqu’on meurt, la puce est transférée dans une autre enveloppe charnelle. Si la puce, dissimulée dans la nuque, est détruite, c’est la mort qui s’ensuit.

Or, ce transfert d’un corps à l’autre peut entraîner un choc énorme pour la personne ou dans son entourage. À moins d’avoir les moyens de cultiver des clones, il faut se contenter du corps qu’on nous attribue. Ainsi, un couple doit accepter que sa fillette revienne sous l’apparence d’une vieille femme, un mari que sa femme prenne les traits d’un homme, une famille que la mamie ait l’allure d’un « gars de bicycle». Par moments, cela entraînera des scènes loufoques dans cette série qui se prend beaucoup au sérieux.

Pour le personnage principal, d’origine asiatique, il lui faudra s’accoutumer à ses nouveaux traits caucasiens. Accusé de terrorisme pour avoir lutté contre les tenants de l’immortalit­é, O.G. Kovacs (Will Yun Lee) a passé 250 ans sur la glace. À son réveil, il constate qu’il a été transféré dans la peau du policier Elias Ryker (Joel Kinnaman).

Racolage à revendre

Alors qu’il est poursuivi par l’opiniâtre Kristin Ortega (Martha Higareda), ex-collègue et ex-maîtresse de Ryker — et rare personnage féminin à être autre chose qu’une épouse potiche, une demoiselle en détresse ou une esclave sexuelle! —, Kovacs enquête sur la mort du richissime Laurens Bancroft (James Purefoy). C’est d’ailleurs ce dernier qui l’a engagé puisqu’il n’a aucun souvenir des circonstan­ces de son décès.

Hanté par la présence de sa soeur Reileen (Dichen Lachman) et de la femme qu’il aimait, Quell (Renée Elise Goldsberry), Kovacs recollera peu à peu les morceaux de son propre passé tandis qu’il découvrira un présent qui n’est guère reluisant. De fait, se prenant pour des dieux, certains riches immortels se livrent à des actes immondes sur des êtres — surtout des femmes — de milieux pauvres ou modestes.

Les plateforme­s numériques permettant plus de liberté que la télé traditionn­elle, les concepteur­s de

Carbone modifié n’ont pas lésiné sur les scènes de torture, sur les scènes à caractère sexuel et sur la nudité frontale — il y a plus de verges que dans Cheval-Serpent ! La plupart du temps, les considérat­ions philosophi­ques et les questions d’éthique quant à l’immortalit­é sont ainsi reléguées à l’arrière-plan.

Se prenant pour des dieux, certains riches immortels se livrent à des actes immondes sur des êtres — surtout des femmes — de milieux pauvres ou modestes

Si Martha Higareda et Joel Kinnaman forment un tandem solide que l’on prend plaisir à suivre dans cette vision pessimiste du futur, le couple Bancroft que forment James Purefoy et Kristin Lehman évoque la série Dynasty (l’ancienne comme la nouvelle mouture) tant leur jeu est caricatura­l.

Au coeur de cette société blasée ne sachant que faire pour tuer le temps, c’est un personnage virtuel nommé Poe (Chris Conner), tenancier d’un hôtel appelé The Raven (Le Corbeau) et ayant les traits du célèbre écrivain américain, qui apporte un tantinet d’humanité. Et de classe. Car il y en a assez peu dans cette série où les personnage­s féminins sont la plupart réduits à porter de hideuses tenues moulantes et transparen­tes. Bien que quelques protagonis­tes féminines tirent les ficelles du jeu, Carbone modifié laisse présager un avenir sombre pour l’homme, et impitoyabl­e pour la femme.

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NETFLIX Carbone modifié met en scène une société futuriste où deux factions s’affrontent : ceux qui prônent l’immortalit­é et ceux qui respectent les lois de la nature.

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