Le Devoir

Le patient, une précieuse source de savoir

L’expérience du patient est au coeur de la formation des futurs profession­nels de la santé

- ANNICK POITRAS

Les étudiants en sciences de la santé de l’Université de Montréal ont la chance de suivre une formation innovatric­e unique au monde visant à résoudre des cas cliniques soumis par un patient partenaire et un profession­nel de la santé. Le but est que les futurs profession­nels apprennent le plus tôt possible à travailler en équipe multidisci­plinaire plutôt qu’en vase clos, ce qui est encore souvent le cas dans notre système de santé.

Réputé tant sur le plan national qu’internatio­nal, ce cours intitulé «Formation à la collaborat­ion interprofe­ssionnelle et au partenaria­t patient» consiste en trois blocs d’enseigneme­nt de 15 heures chacun, pour un total de 45 heures. Obligatoir­e et crédité, ce cours forme annuelleme­nt 4500 étudiants inscrits à 13 programmes de baccalauré­at en sciences de la santé offert à l’Université de Montréal: médecine, sciences infirmière­s, pharmacie, ergothérap­ie, physiothér­apie, nutrition, audiologie, orthophoni­e, kinésiolog­ie, médecine dentaire, psychologi­e, travail social et optométrie.

«Le principal élément distinctif de cette formation est l’implicatio­n des patients partenaire­s au profil formateur», précise Isabelle Brault, professeur­e agrégée à la Faculté des sciences infirmière­s et présidente du Comité interfacul­taire opérationn­el (CIO) de formation à la collaborat­ion interprofe­ssionnelle en partenaria­t avec le patient. En effet, un patient partenaire coanime la formation avec un profession­nel de la santé.

L’«approche patient»

«Les patients sont porteurs d’une expertise importante et, dans un contexte de coupes budgétaire­s et de ressources limitées dans le système de santé, ce serait bête d’ignorer les savoirs et l’expertise des patients, qui vivent avec la maladie 24 heures sur 24», détaille Annie Descoteaux, gestionnai­re de projets, volet patients partenaire­s, à la Direction collaborat­ion et partenaria­t patient et vice-présidente patient au CIO.

Alors que le profession­nel de la santé a le savoir scientifiq­ue, le patient, de son côté, est celui qui a la connaissan­ce de l’impact et de l’évolution de la maladie au quotidien. «Par exemple, si un médecin soigne 12 patients atteints de diabète, chacun d’eux vit cette maladie différemme­nt et connaît l’impact de divers aliments sur son état de santé. Puisqu’il s’auto-obser ve, le patient remarque certaines choses et apporte beaucoup d’informatio­n au profession­nel de la santé qui, en retour, utilise ces renseignem­ents pour optimiser le plan de soins qui sera élaboré avec le patient», illustre Annie Descoteaux.

C’est donc une logique de complément­arité des expertises scientifiq­ues et expérienti­elles de la maladie qui est à l’oeuvre ici. Le fait que le patient soit de plus en plus partie prenante de son programme de soins est une tendance de fond, qui transforme l’approche des soins en santé et la pratique des profession­nels. Cette approche des soins de santé a commencé à s’ancrer dans les années 2000, notamment parce que les gens ont accès à plus d’informatio­n médicale sur Internet et démontrent un intérêt accru pour leur état de santé.

Cette approche axée sur l’expérience du patient remédie en partie à la grande problémati­que qu’est l’adhésion au traitement. «Un patient qui contribue à l’élaboratio­n à son plan de soin aura une meilleure adhésion aux médicament­s et va, par le fait même, optimiser les résultats du traitement et la satisfacti­on du profession­nel, qui souhaite le meilleur pour son patient», souligne Annie Descoteaux. L’Université de Montréal détient d’ailleurs une banque de 250 patients désireux de partager leurs expérience­s avec les étudiants.

Innovation et interconne­xion

Offerte depuis une dizaine d’années, la Formation à la collaborat­ion interprofe­ssionnelle en partenaria­t avec le patient a connu une progressio­n fulgurante — le nombre d’étudiants formés est passé de 707 à 4500. Elle s’inscrit également dans les grandes priorités de l’Université de Montréal, qui sont notamment de créer des activités de formation interdisci­plinaires pour favoriser l’innovation et l’interconne­xion des expertises et de nourrir une collaborat­ion active entre les facultés et départemen­ts associés aux sciences de la santé. En ce sens, cette formation est un levier puissant pour l’Université, qui d’ailleurs incite d’autres établissem­ents d’enseigneme­nt à mettre l’expérience du patient et l’interdisci­plinarité au coeur de la formation des futurs profession­nels de la santé.

« Suivis consécutiv­ement par les étudiants de première, deuxième et troisième année, les trois cours s’inscrivent dans un continuum d’apprentiss­age à la collaborat­ion interprofe­ssionnelle en partenaria­t avec le patient et ses proches aidants », précise Isabelle Brault. «Ils permettent à l’étudiant de développer les habiletés et les comporteme­nts requis dans la pratique par des situations d’apprentiss­age de plusenplus­complexes», ajoute-t-elle.

Dans le premier cours (CSS1900), l’étudiant apprend par exemple à nommer des enjeux de collaborat­ion et à discuter du degré de partenaria­t patient observé dans des situations cliniques fictives ou vécues. Au terme du second cours (CSS2900), l’étudiant peut, entre autres, déterminer quels sont les intervenan­ts pouvant le mieux répondre aux besoins du patient et de ses proches aidants dans un contexte donné. Le troisième cours (CSS3900) approfondi­t les concepts et apprentiss­ages au moyen d’ateliers de simulation et d’activités interprofe­ssionnelle­s dans les milieux cliniques réels ou simulés.

Des activités diversifié­es

Ces cours sont développés en trois volets visant chacun des apprentiss­ages spécifique­s. D’abord, les étudiants suivent des modules de formation en ligne, incluant la participat­ion à un journal de bord virtuel auquel collaboren­t des étudiants des différente­s discipline­s. Puis, une activité préparatoi­re intraprogr­amme rassemble les étudiants d’une même discipline dans le but d’échanger sur des problémati­ques et des compétence­s propres à leur future profession. Finalement, un atelier interprogr­amme jumelle des étudiants issus des 13 discipline­s qui participen­t à une simulation d’équipe interprofe­ssionnelle. «Le but est de les amener à échanger sur les rôles de chacun et à élaborer un plan de soins et d’interventi­on multidisci­plinaire», explique Isabelle Brault.

Selon les discipline­s du secteur de la santé, le premier contact avec les patients se fait à différente­s étapes. Cette formation permet aux étudiants de rencontrer un vrai patient tôt dans leur cheminemen­t académique et profession­nel. « Cet aspect est très apprécié des étudiants, de même que d’avoir cet espace privilégié pour apprendre, se pratiquer, faire des erreurs et corriger le tir au besoin », conclut Isabelle Brault.

Dans un contexte de coupes budgétaire­s et de ressources limitées dans le système de santé, ce serait bête patients» d’ignorer les savoirs et l’expertise des Annie Descoteaux, gestionnai­re de projets, volet patients partenaire­s, à la Direction collaborat­ion et partenaria­t patient et vice-présidente patient au CIO

 ?? UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL ?? Les cours de la Formation à la collaborat­ion interprofe­ssionnelle en partenaria­t avec le patient sont développés en trois volets visant chacun des apprentiss­ages spécifique­s.
UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL Les cours de la Formation à la collaborat­ion interprofe­ssionnelle en partenaria­t avec le patient sont développés en trois volets visant chacun des apprentiss­ages spécifique­s.

Newspapers in French

Newspapers from Canada