Rendez-vous à Pyeongchang
Incursion au sein de l’équipe de patinage de vitesse courte piste à l’aube des Jeux
Les Jeux olympiques d’hiver de Pyeongchang, qui s’ouvrent vendredi en Corée du Sud, représentent l’aboutissement de plusieurs années de travail acharné pour les athlètes qui tenteront d’y remporter les grands honneurs. Mais comment se prépare-t-on à ce rendez-vous incontournable ? Le Devoir a trouvé la réponse auprès de l’équipe canadienne de patinage de vitesse courte piste, rencontrée à quelques semaines des Jeux. Une délégation presque entièrement québécoise qui a soif de podiums.
Le silence règne pendant quelques instants dans l’aréna Maurice-Richard. Lorsque le coup de pistolet se fait entendre, les quatre patineurs installés sur la ligne de départ s’élancent sous les acclamations de la foule. Pourtant, les gradins de l’amphithéâtre sont complètement vides et tous les athlètes portent le même maillot rouge et blanc.
À trois semaines des Jeux de Pyeongchang, l’équipe masculine de patinage de vitesse courte piste s’entraîne pour le relais, une épreuve qu’elle a remportée à Vancouver en 2010, mais qui lui a échappé il y a quatre ans à Sotchi. Et pour ajouter du réalisme, le son
d’une course préenregistrée résonne dans les haut-parleurs. Lorsque vient le temps de se préparer à une compétition qui ne revient qu’une fois tous les quatre ans, rien n’est laissé au hasard.
Parmi les patineurs qui peaufinent leur technique sur la glace, il y a Charle Cournoyer, qui a décroché le bronze au 500 mètres à Sotchi, à ses premiers Jeux olympiques. Entre les exercices, l’athlète de 26 ans a l’air plutôt détendu, un sourire toujours accroché au visage.
« En ce moment, je me sens bien, dit-il. C’est le calme avant la tempête. »
«Tout ce qu’on fait en ce moment, c’est s’entraîner et planifier ce qui va se passer aux Jeux, explique le jeune homme de Boucherville. L’été, on fait un peu de hors glace, un peu de vélo. En ce moment, on est surtout sur la glace, avec un petit peu de musculation. C’est surtout du patin, du patin, du patin. »
Les dix membres de l’équipe canadienne de patinage de vitesse courte piste (cinq hommes et cinq femmes), viennent de terminer
une période intensive d’entraînement qui a débuté au mois de décembre. Aujourd’hui, ils tentent de demeurer au sommet de leur forme, sans s’épuiser.
«D’ici les Jeux, c’est du maintien avec du repos, explique Valérie Maltais, médaillée d’argent du relais féminin il y a quatre ans. Plutôt que de faire quatre séries de suite dans un entraînement, on va en faire une ou deux. »
«Pour nous, le gros du travail est fait. En ce moment, on est plus dans le peaufinage», confirme Alexandre Clark, le préparateur physique de l’équipe nationale de patinage de vitesse courte piste. Surtout responsable de l’entraînement hors glace, il fait partie de la douzaine d’entraîneurs et de thérapeutes qui gravitent autour des athlètes.
Au menu des séances d’entraînement: exercices de plyométrie et d’haltérophilie en tous genres. « On donne à l’athlète des charges qu’il n’a jamais soulevées pour lui montrer qu’il est au sommet de sa forme, tout en étant sécuritaire, affirme-t-il. On veut qu’il réussisse des choses dont il va être fier, donc qui sont difficiles, mais il faut s’assurer de ne blesser personne, parce qu’à ce stade-ci, ça pourrait vouloir dire quatre ans d’entraînement qu’on jette à l’eau. »
Préparation mentale
Au cours des douze derniers mois, les membres de l’équipe olympique canadienne ont eu à peine deux semaines de congé. C’était en mars dernier, après la fin de la saison de Coupe du monde. Depuis, ils se sont entraînés du matin au soir, six jours par semaine.
Et ils ne font pas que patiner, soulever des poids ou pédaler sur un vélo stationnaire. «Le patinage de vitesse courte piste est un sport qui est très tactique. Il n’y a pas que la dimension physique ou la dimension technique », fait remarquer Fabien Abejean, le préparateur mental des patineurs canadiens.
Ce spécialiste de la psychologie sportive les aide à faire face aux imprévus et à mieux gérer leurs émotions lors d’une course. Ces jours-ci, il rencontre ses protégés pour les préparer aux nombreuses distractions des Jeux olympiques, discuter de la gestion de leur temps lors des deux semaines de compétitions et établir avec eux ce qu’il appelle une « philosophie » des Jeux.
«Ça peut être de n’avoir aucun regret, de prendre de l’expérience, d’avoir du plaisir tout au long des Jeux, de gagner des médailles. Quoi qu’il arrive, cette philosophie est importante parce que, lorsque les athlètes vont vivre des émotions positives ou négatives, ils vont pouvoir revenir à cette ligne de conduite», résume M. Abejean, qui travaille également avec des plongeurs, des boxeurs, des judokas et des hockeyeurs de la Ligue nationale de hockey.
Tout donner
À l’approche de ses troisièmes Jeux olympiques, Valérie Maltais sait ce qui l’attend. Elle vise une médaille lors d’une épreuve individuelle, en plus d’un podium au relais féminin, mais elle ne veut pas que le résultat final devienne une obsession.
«Même si je suis la plus prête sur la glace, que je me sens bien physiquement et mentalement et que mon équipement est parfait, c’est possible que je ne remporte pas la course parce qu’il y a des chutes, des dépassements, des accrochages. Il y a tellement d’éléments qui sont hors de notre contrôle, insiste l’athlète de 27 ans. Je pense que la gagnante va être celle qui va réussir à mieux s’adapter. »
Il y a deux ans, elle a failli abandonner le patinage de vitesse lorsqu’elle a réalisé qu’elle n’avait plus autant de plaisir sur la glace. Aujourd’hui, elle a retrouvé son aplomb et elle aborde la compétition avec «un instinct de guerrière ».
«Je ne sais pas encore si ce sera mes derniers Jeux, donc j’y participe en me disant qu’il faut que je profite de mon expérience et que je termine la compétition sans avoir de regrets. »
Charle Cournoyer adopte une philosophie semblable. Il espère que l’expérience acquise au cours des quatre dernières années sur le circuit de la Coupe du monde lui permettra de remonter sur le podium, mais il ne veut même pas parler de médaille à ce stade-ci.
«Que je gagne les courses ou que je les perde, je veux pouvoir me dire que je n’aurais rien pu faire différemment. Que j’ai tout donné.»