Le Devoir

La défense plaide pour le dévoilemen­t des sources des fuites

- MARIE-MICHÈLE SIOUI à Québec

Doit-on connaître l’identité des personnes qui ont orchestré des fuites journalist­iques au sujet d’enquêtes visant les ex-ministres libéraux Marc-Yvan Côté et Nathalie Normandeau? La réponseà cette question viendra le 12 février et elle pourrait, selon les avocats des accusés, décider de la pertinence d’aller de l’avant avec le procès de six personnali­tés du monde politique soupçonnée­s de complot, de corruption de fonctionna­ires et d’abus de confiance.

Devant le juge André Perreault, de la Cour du Québec, l’avocat Jacques Larochelle a multiplié les superlatif­s, vendredi, pour souligner l’importance de connaître l’identité de la ou des personnes qui ont divulgué des informatio­ns confidenti­elles aux journalist­es Marie-Maude Denis et Louis Lacroix à propos d’enquêtes concernant les accusés.

« Ce n’est pas la même chose si la source est en haut ou en bas de la hiérarchie. Ce n’est pas pareil si c’est une secrétaire ou si c’est [le grand patron de l’UPAC] Robert Lafrenière», a insisté l’avocat de la défense. «C’est très important pour nous d’avoir le rang de la fuite, son importance dans la hiérarchie et ses mobiles», a-til lancé plus tard.

Le verbe leste, Me Larochelle a déclaré que Marc-Yvan Côté était la victime d’une «violation de ses droits à peu près inouïe dans les annales de la justice canadienne». Il a évoqué une atteinte aux droits des accusés «d’une gravité extrême»; a ajouté dans l’hyperbole que les transmissi­ons de preuves aux journalist­es «ont généré presque une hystérie de condamnati­on» dans l’espace public.

Pas «nécessaire», selon les médias

Les avocats de Nathalie Normandeau, de Marc-Yvan Côté et de leurs quatre coaccusés soutiennen­t qu’«un système de fuites orchestrée­s minutieuse­ment pour déstabilis­er le gouverneme­nt et le Parti libéral» nuit au droit des coaccusés d’avoir un procès juste et équitable — et commande donc l’arrêt des procédures judiciaire­s. Ils souhaitent connaître l’identité des sources journalist­iques — que Me Larochelle soupçonne d’être des «policiers véreux de l’UPAC» — pour étayer cette prétention.

Mais voilà: «Peut-être que M. Côté aimerait ça que, du moment où il est accusé, il n’y ait plus de reportages», a répliqué l’avocat des journalist­es Lacroix et Denis, Christian Leblanc. Sauf que «les sources et les journalist­es ne devraient pas être au service de M. Côté et de sa requête », a-t-il ajouté. Selon lui, il n’est pas «nécessaire» aux fins de la requête en arrêt des procédures que la défense connaisse l’identité des sources journalist­iques, par ailleurs protégées par une loi fédérale et une jurisprude­nce étoffée.

«La Cour suprême est venue nous donner un guide en disant que si un journalist­e a un élément matériel du crime — l’arme du crime, la chemise ensanglant­ée — qui pourrait tendre à innocenter ou à inculper un individu d’un crime grave, alors peut-être que le privilège des sources confidenti­elles pourrait céder le pas, dans des circonstan­ces très précises. Notre prétention, c’est que nous sommes très loin de ces circonstan­ces ici», a résumé l’avocat. Encore: «Si on demande aux journalist­es de révéler leurs sources, […] les journalist­es savent très bien que leur carrière est terminée», a fait valoir Me Leblanc.

Le juge Perreault annoncera le 12 février s’il a l’intention d’assigner Marie-Maude Denis et Louis Lacroix à témoigner. De cette décision — qui peut néanmoins être portée en appel, comme l’a rappelé Me Larochelle — découlera celle concernant la requête en arrêt des procédures en raison de fuites médiatique­s. En parallèle, le juge Perreault doit rendre une décision sur une seconde requête en arrêt des procédures (Jordan) portant sur les délais jugés déraisonna­bles par la défense.

Si ces deux requêtes sont rejetées, le procès de Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté, Bruno Lortie, François Roussy, France Michaud et Mario Martel pourra s’ouvrir le 9 avril.

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