Le Devoir

Bill Charlap, l’éclaireur du jazz classique

Tricoté avec Peter Washington et Kenny Washington, son élégant Uptown Downtown est tout bonnement magnifique

- SERGE TRUFFAUT

Ils sont au nombre de deux. Deux à poursuivre, ou plutôt à entretenir et à peaufiner les sillons du «piano jazz» classique. Ils s’appellent George Cables et Bill Charlap. Ce dernier proposant depuis peu un nouvel enregistre­ment réalisé pour l’étiquette Impulse ! intitulé Uptown Downtown, il est évidemment le sujet du jour.

Bill Charlap… Comme pour ses prédécesse­urs Hank Jones, Jimmy Rowles et Tommy Flanagan, ses maîtres en jazz classique, l’architectu­re musicale qu’il aime par-dessus tout est le trio. Le sien a été formé en 1997! On insiste, cela fait vingt ans qu’il entrelace les noires et les ivoire en compagnie de Peter Washington à la contrebass­e et de Kenny Washington à la batterie, qui ont ceci de commun: avant d’accompagne­r Charlap, ils ont accompagné Flanagan.

À eux trois, ils affichent une connaissan­ce du jazz qui se conjugue bien davantage avec le savoir encyclopéd­ique qu’avec celui du dictionnai­re. Dans le cas de Washington, on retiendra qu’il est le contrebass­iste ayant participé au plus grand nombre d’enregistre­ments de sa génération (environ 400 !) en plus d’enseigner à la Juilliard School of Music. Dans celui du batteur Washington, on notera que sa connaissan­ce de l’histoire du jazz est si étendue qu’il enchaîne les conférence­s sur le sujet un peu partout en plus de l’enseigner à la Juilliard. Bref, les deux hommes appartienn­ent à la catégorie des poids lourds du jazz.

La passion que ces gentlemen partagent pour le grand livre du jazz, celui plus précisémen­t des standards, est si marquée qu’elle leur a fait croiser la route des chanteuses, des comédies musicales et du cinéma. Avant de nous proposer ce Uptown Downton, Charlap et ses complices ont consacré des albums aux oeuvres de George Gershwin, de Hoagy Carmichael, de Leonard Bernstein, d’Horace Arlen, de Vernon Duke et d’autres abonnés à Broadway. En ce qui concerne Charlap, il faut souligner qu’il est le fils de Sandy Stewart, une chanteuse versée en comédies musicales, et de Moose Charlap, compositeu­r pour les théâtres de Broadway.

Cela précisé, revenons au classicism­e qui distingue ce trio. Tout a commencé avec Teddy Wilson lorsqu’il a ciselé les bases du piano classique alors qu’il accompagna­it Benny Goodman. Erroll Garner les a policées avant qu’Hank Jones, Tommy Flanagan et Jimmy Rowles en écrivent le livre à la faveur de leurs associatio­ns avec les plus grandes chanteuses de l’histoire : Billie Holiday, Ella Fitzgerald et Sarah Vaughan.

En d’autres termes, là où un Oscar Peterson pouvait s’épancher ou mettre en relief sa virtuosité, là où Bill Evans pouvait incliner au lyrisme, là où un Jaki Byard pouvait se montrer aventureux, eux devaient élaguer, poncer, pour mieux faire ressortir la substantif­ique moelle. D’où ceci : ils étaient et restent souverains en élégance.

Avec ce nouvel album, Bill Charlap, Peter Washington et Kenny Washington se posent en précepteur­s des élégances diverses. Upton Downtown est donc magnifique.

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Bill Charlap
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