Le sondage « orienté » de l’IEDM
Quelle surprise ! L’Institut économique de Montréal nous apprend que les Québécois estiment qu’ils paient trop d’impôts et trouvent donc positives les baisses annoncées récemment. Le réflexe normal de tout contribuable est de dire qu’il paie trop d’impôts. L’IEDM poserait cette question aux Américains qu’il aurait la même réponse, même si ceux-ci paient moins d’impôts que nous. Les grands économistes de l’Institut découvrent cette évidence à partir de trois petites questions, mais ils évitent soigneusement de poser celles qui forceraient les gens à pondérer leurs réponses. Ils auraient pu, par exemple, leur demander s’ils seraient toujours favorables aux baisses d’impôt dans le cas où celles-ci affecteraient négativement les services qu’ils reçoivent. Mais vous ne trouverez pas ces nuances dans les analyses de l’IEDM. Tout attentifs à répandre leur message que l’État est trop gros et que nous payons trop d’impôts, ils cultivent l’omission comme une sorte d’ar- gument silencieux qui passe à côté de l’essentiel. La Presse rapportait d’ailleurs qu’un sondage du Devoir disait le contraire des conclusions de l’IEDM : les Québécois préfèrent un réinvestissement dans les services plutôt qu’une baisse d’impôt. Dans ce sondage, on avait fait un lien entre les deux aspects de la problématique.
La vérité est que le Québec demeure parmi les plus compétitifs lorsque la charge fiscale nette est prise en compte, c’est-à-dire lorsque l’on considère aussi les prestations perçues et les cotisations sociales payées. Les journaux nous rapportaient récemment une analyse de Luc Godbout qui révèle que la charge fiscale nette du Québec est inférieure à la moyenne de l’OCDE dans six des huit situations familiales retenues. Ces universitaires sérieux disaient aussi ceci, qui fera rougir les bonzes de l’IEDM: «La charge fiscale nette du Québec est même plus faible que celle de l’ensemble des pays de l’OCDE dans le cas d’une famille monoparentale dont le parent touche 67% du revenu moyen ainsi que dans le cas d’un couple avec enfants où un seul parent travaille et touche 100 % du revenu. »
Ne demandez pas ces nuances à l’IEDM. Ça mettrait trop de brume dans leur claire vision de notre réalité sociale. Ronald Albert Boucherville, le 1er février 2018