Se la jouer cirque sous les tropiques en République dominicaine.
À Punta Cana, l’espace Creactive du Club Med permet de s’initier aux arts circassiens dans le cadre de vacances familiales (très) actives
Euh… ma chérie? Tu veux bien redescendre de là ? — Ne vous en faites pas, elle a la situation bien en main. — Elle maîtrise sa technique hautle-pied, vous voulez dire.
J’ai beau avoir souvent vu ma fille grimper bien haut pour s’enrouler dans de longs tissus, l’observer suspendue la tête en bas à 5 mètres du sol me rend l’estomac aussi noué que l’est sa cheville. Mais j’ai confiance: le gros tapis déployé sous elle amortirait une éventuelle chute, et le personnel au sol en a vu bien d’autres. Après tout, tous ces instructeurs sont de véritables artistes du cirque.
Nous sommes à Creactive, l’espace circassien du Club Med Punta Cana, vaste complexe de villégiature dominicain. Conçue en 2015 en collaboration avec le Cirque du Soleil, cette aire est la première du genre à avoir vu le jour dans le monde. L’idée? Permettre aux jeunes et moins jeunes de s’initier à une vingtaine d’arts du cirque, dans une sorte de chapiteau à ciel ouvert.
Ce qu’on propose ici va bien au-delà du diabolo, de la jonglerie et des bâtons fleurs : figurent notamment au programme du trampoline, du trapèze ballant, de l’acro-bungee double, un mur de toile pour marcher à la verticale et du tissu aérien, cette longue étoffe pliée et accrochée dans les airs dans laquelle un acrobate — ma fille, par exemple — peut se contorsionner avec grâce et envolées scénographiques lyriques.
Chaque jour, plusieurs de ces activités circassiennes sont proposées à tous les Gentils Membres (les clients). Pour en profiter, nul besoin d’être surdoué et expérimenté, bien au contraire: tout est conçu pour que les néophytes goûtent à un peu de tout… et améliorent leur technique, au fil de la semaine. «La plupart des jeunes arrivent sans rien connaître aux arts du cirque, mais certains repartent avec
des habiletés parfois étonnantes», explique Artem Ledovskikh, directeur de Creactive et ex-trapéziste russe, qu’on a pu voir dans Zarkana.
Même si, de par le monde, une trentaine de villages du Club Med disposent d’un trapèze volant, les installations de Creactive — conçues et fabriquées à Montréal — sont bien plus étoffées. «Le trapèze volant est double et bien plus haut qu’ailleurs, et plusieurs activités sont uniques à ce village», explique Xavier Mufraggi, directeur du Club Med pour l’Amérique du Nord.
Accro aux acrobaties
« Non mais, on est-tu assez chanceux d’avoir accès à ça!» lâche spontanément Stéphanie, une médecin lavalloise qui fréquente depuis des années ce village, en attendant son tour pour se jucher à l’intérieur d’un cerceau suspendu.
Au-delà des jeunes qui peuvent fréquenter Creactive dès l’âge de quatre ans, bien des adultes entrent ici en piste chaque jour. Performer devant sa progéniture crée d’ailleurs, immanquablement, une réelle admiration chez elle — comme j’ai pu le constater en essayant le trapèze volant sous les hourras de ma fille. Avec un peu de pratique, j’aurais même pu tenter de me faire attraper en plein vol par un acrobate, bien assuré grâce à des câbles.
«C’est souvent ce qui se produit ici: les parents laissent de côté leurs préjugés et leurs craintes en voyant leurs enfants essayer des choses qu’ils n’auraient pas pensé faire. Il y a un élément déclencheur, un moment magique, et puis hop, ils se jettent dans le vide», souligne Xavier Mufraggi.
En plus de permettre d’échanger avec de véritables artistes du cirque, sympathiques et dévoués pour l’essentiel, l’espace Creactive entraîne la formation de chouettes ambiances rassembleuses, au son de musiques foraines dignes du Cirque Éloise ou des 7 doigts. Pendant que certains sautent sur le trampoline ou virevoltent assis dans leur bungee, une grande ado lunatique jongle avec des balles, un jeune fait du monocycle et fiston manipule ses poïs (une forme de jonglerie) sous le regard ébaubi de vacanciers badauds.
Le seul hic de Creactive, c’est que les modules et infrastructures ne peuvent être utilisés en dehors des heures officielles et qu’on n’a droit qu’à une heure par jour et par tranche d’âge (4-5 ans, 6-7 ans, etc.), adultes compris. En haute saison, l’attente peut donc être longue et le temps imparti à chacun, assez court, ce qui peut créer quelque frustration et une sous-jacente baboune chez de jeunes artistes (ai-je parlé de ma fille?).
En outre, hormis le trapèze aérien et le trampoline, accessibles au quotidien, les autres activités varient au fil des jours. Si vous avez une fixation sur le tissu aérien et qu’on ne l’accroche que trois fois dans la semaine pour votre tranche d’âge, il est donc possible que vous grommeliez (ai-je parlé de ma fille ?).
Salmigondis d’activités
Outre Creactive, le Club Med Punta Cana propose un impressionnant éventail de choses à faire: planche à voile, cours de bateau laser, surf à pagaie, yoga, tir à l’arc, tennis, plongée en apnée, danse… selon le bon vouloir de chacun. «Cette semaine, il y a 250 ados au village, et tous ne sont pas intéressés par le cirque, dit Flo, G.O. patenté. Plusieurs font leurs petites affaires, jouent au volley ou au soccer, traînent sur la plage… Après tout, ils sont en vacances… »
L’environnement fermé du village est par ailleurs assez sécurisé pour que ma fille (9 ans) se soit promenée seule à plusieurs reprises, pour explorer le site (42 hectares, rien que ça), faire un safari-photo sur la plage ou se commander ses propres « virgin mojitos» (sans alcool). Un bon cadre pour laisser du mou dans le cordon ombilical des mères poules, en somme.
Les doigts croisés pour le Québec
Comme dans tous les Club Med familiaux, on peut aussi envoyer sa smala au miniclub, pour une heure ou toute la journée. Immense et bien pourvu en infrastructures (pas toujours de la première jeunesse), il est animé par toute une brigade de G.O. dévoués, enjoués et rigolos (pour la plupart), affectés aux jeunes par tranches d’âge (de 4 mois à 17 ans).
Au besoin, les G.O. s’occupent même d’emmener les enfants à l’espace Creactive, lorsque vient leur tour. «De plus en plus de vacanciers choisissent d’ailleurs ce village pour ces installations», indique Xavier Muffraggi.
Preuve du succès de la formule, un second espace Creactive a été inauguré en Provence, l’été dernier, et trois autres sont en gestation. Puisque le Club Med et le Cirque du Soleil ont un actionnaire commun (le géant chinois Fosun), et que Guy Laliberté a débuté à Baie-Saint-Paul, on est en droit d’imaginer un espace semblable au futur Club Med de Charlevoix. « C’est dans l’idée de tout le monde, et ce serait merveilleux», lâche Xavier Mufraggi du bout des lèvres. Une histoire à suivre…
L’auteur était l’invité du Club Med et d’Air Transat.
La plupart des jeunes arrivent sans rien connaître aux arts du cirque, mais certains repartent avec des habiletés parfois étonnantes ARTEM LEDOVSKIKH