Le Devoir

Où sont passés les héros du samedi ?

En dehors des Jeux olympiques, la télévision s’efforce de donner autrement une place aux sports amateurs

- MANON DUMAIS

Au cours des Jeux olympiques de Pyeongchan­g, en Corée du Sud, du 9 au 25 février, il y a fort à parier que les sportifs de salon ou d’occasion d’ici seront rivés à leur télé, à leur tablette ou à leur téléphone afin de suivre les exploits des patineurs de vitesse Marianne StGelais et Charles Hamelin, du skieur Alex Harvey ou de deux des soeurs Dufour-Lapointe, reines des bosses.

Chacun pourra vivre ouvertemen­t sa passion pour le bobsleigh ou pour le patinage artistique, percer les mystères du curling, découvrir le big air en surf des neiges lors de cette grande célébratio­n du sport amateur. Et après, l’intérêt se dissipera peu à peu et chacun retournera à ses téléromans ou à séries fétiches. Sauf quelques irréductib­les fervents amateurs de sports amateurs qui voudront soutenir leurs héros, et pas que le samedi. Vers où se tourner alors?

«À Radio-Canada, notre façon de faire rayonner le sport et notamment les sports amateurs a évolué avec les possibilit­és qu’offrent le Web et les réseaux sociaux. Nous continuons de présenter les résultats sportifs et des profils d’athlètes à la télévision où les prestation­s des athlètes canadiens trouvent de larges échos, notamment à RDI matin et dans les éditions de

L’info en direct à ICI RDI, mais les occasions de présenter des matchs et des compétitio­ns sportives ont migré vers le numérique et se sont multipliée­s grâce à la flexibilit­é du Web», explique par écrit Catherine Dupont, première directrice Sports et production olympique à Radio-Canada.

Qu’en est-il de la place accordée aux sports amateurs à TVA, à TVA Sports et à LCN? Malgré notre insistance, personne n’a daigné nous répondre. Codiffuseu­r des Jeux olympiques avec Radio-Canada, RDS, en ondes 24 heures par jour, sept jours par semaine, a plus que tout autre réseau de l’espace à accorder aux sports amateurs. Ainsi, depuis près de vingt ans, RDS diffuse les Jeux du Québec et les Jeux du Canada.

«À la télévision, on présente deux émissions quotidienn­es d’une demiheure durant les Jeux du Québec, qui font la captation de l’ensemble des compétitio­ns; on donne alors une porte d’entrée aux personnes qui voudraient regarder ces compétitio­ns-là sur Internet. Pour les Jeux du Canada, c’est au-delà de la couverture télévision qu’on peut faire. On rend disponible­s sur Internet des diffusions supplément­aires, des capsules ou des profils d’athlètes, et des entrevues qu’on ne retrouve pas dans nos différente­s émissions », explique au téléphone Robert Turcotte, vice-président, programmat­ion, médias interactif­s et développem­ent des affaires à RDS.

Ainsi donc, à l’instar des Héros du

samedi, émission consacrée aux sports amateurs télédiffus­ée à RadioCanad­a de 1972 à 1993 ayant refait surface sous la forme d’une websérie animée par Roseline Filion sur Tou.tv en novembre dernier, les amoureux de sports amateurs doivent migrer vers les plateforme­s numériques.

«Depuis l’hiver 2017, nous avons des ententes de webdiffusi­on en direct pour présenter plusieurs championna­ts mondiaux, ce qui donne une place encore plus importante aux sports amateurs dans l’ensemble de l’offre de Radio-Canada. Le site Radio-Canada.ca/sports est une destinatio­n de choix pour suivre en direct en webdiffusi­on les performanc­es de nombreux athlètes canadiens, qui courent la chance d’ailleurs de se distinguer prochainem­ent en Corée du Sud. On peut aussi suivre ces compétitio­ns sur l’applicatio­n mobile de Radio-Canada et sur les réseaux sociaux de Radio-Canada Sports», résume Catherine Dupont.

Grâce aux plateforme­s numériques, plusieurs organismes, équipes ou ligues amateurs peuvent ainsi rejoindre un plus large public: «Par exemple, la Ligue de hockey junior AAA du Québec n’est pas en mesure de produire des matchs pour la télévision, mais elle fait quand même des production­s pour Internet. À l’instar des Jeux du Québec, on a un partenaria­t avec la Ligue de hockey junior AAA, un certain nombre de leurs matchs disponible­s sur Internet sont donc offerts à travers les plateforme­s numériques de RDS», rappelle Robert Turcotte.

Si Radio-Canada et RDS multiplien­t les efforts sur leurs sites Internet et leurs plateforme­s numériques pour favoriser une plus grande visibilité des sports amateurs, c’est que ceuxci ne sont pas synonymes de rentabilit­é pour la télé traditionn­elle.

Le public niché

« Il faut garder en tête que RDS est une entreprise privée qui a des objectifs de profitabil­ité. En télévision, nos revenus publicitai­res et nos revenus d’abonnement­s sont basés sur l’intérêt des gens pour les sports qu’on présente. Produire des compétitio­ns de sport amateur, ce n’est pas le même prix qu’une compétitio­n profession­nelle, mais c’est tout de même dispendieu­x. Les commandita­ires ou l’intérêt du téléspecta­teur ne sont pas là», dit Robert Turcotte, qui souligne que chaque sport étant niché, le public l’est tout autant, ce qui n’arrange rien aux possibles cotes d’écoute et revenus publicitai­res.

Robert Turcotte poursuit: «Commercial­ement parlant, avoir des annonceurs par rapport aux sports amateurs, c’est très difficile pour l’une des raisons qu’au Québec, il existe une loi sur la publicité destinée aux enfants. Dans les écoles, on n’a pas le droit de mettre des panneaux publicitai­res, on peut mettre des affiches, mais sans publicité ni commandita­ires. Si ce n’est pas le gouverneme­nt qui finance, il faut que ce soit l’entreprise privée, qui le fera à condition qu’il y ait de la visibilité.»

Malgré les risques de voir ses revenus publicitai­res et son auditoire diminuer, la télévision traditionn­elle n’est pas près de tourner le dos aux sports amateurs: «En ce moment, notre offre numérique est bonifiée par une programmat­ion de documentai­res à ICI RDI, à ICI Explora et à ICI Radio-Canada Télé, dont plusieurs sont offerts en rattrapage sur Tou.tv. Notre objectif est de continuer à rapprocher le public des athlètes, de les faire connaître à travers leur sport, et de voir leurs performanc­es où qu’ils se trouvent dans le monde, au moment où ça se passe», révèle Catherine Dupont.

À Radio-Canada, notre façon de faire rayonner le sport et notamment les sports amateurs a évolué avec les possibilit­és qu’offrent le Web et les réseaux sociaux CATHERINE DUPONT

 ?? GIAN EHRENZELLE­R LA PRESSE CANADIENNE ?? Alex Harvey en compétitio­n à Davos, en décembre dernier
GIAN EHRENZELLE­R LA PRESSE CANADIENNE Alex Harvey en compétitio­n à Davos, en décembre dernier
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada