Le plein air, t’es game ?
Votre adolescent adore jouer dehors… mais il ne le sait peut-être pas encore
Problèmes de santé préoccupants, baisse d’estime de soi, stress, décrochage scolaire: il n’y a pas que la sédentarité qui fait des ravages chez les jeunes. La rupture de leurs liens avec la nature fait aussi, depuis des années, l’objet d’alertes incessantes. Le concept de «Nature-Deficit Disorder» (syndrome du déficit nature), selon l’expression du journaliste et auteur américain Richard Louv, se fondait, il y a une quinzaine d’années déjà, sur quantité d’études scientifiques et d’enquêtes sociologiques.
Depuis, des initiatives démontrent une volonté des pouvoirs publics et privés de restaurer ce lien des jeunes avec la nature, notamment à travers le pivot que représente leur milieu scolaire.
À l’école ?
«Cette année, ce sont 300 000$ qui seront investis dans plusieurs projets pour aménager les cours d’école et les parcs, faciliter l’enseignement à l’extérieur et faire bouger les préados et les ados dans le milieu scolaire du Québec, explique MarieClaude Blais, de Québec en forme. Le message est clair: accélérer le passage à l’action en collaboration avec des acteurs en région. »
Qu’on se souvienne du programme Wixx, créé l’an dernier, une manière de faire bouger les jeunes tout en s’amusant. Au menu de cette campagne menée par Québec en forme, le gouvernement provincial et la Fondation Lucie et André Chagnon: des jeux, de saines habitudes de vie et une approche non compétitive du sport à l’extérieur. Bref: les choses sont en train de changer et les solutions existent.
Mais comment donner concrètement l’envie aux jeunes d’entrer en contact avec la nature? La réponse tient d’abord aux éducateurs physiques. Ceux-ci ne sont pas tous aptes à encadrer des activités en milieu naturel, c’est pourquoi le Conseil québécois du loisir, associé au Réseau fédéré du plein air, a réalisé en 2013 un programme intitulé « Enseigner le plein air, c’est dans ma nature!» à l’appel du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
«D’une vaste réflexion collective est né un manuel d’organisation de clubs de plein air pour aider les professeurs
d’éducation physique à intégrer au mieux les activités de plein air dans le programme scolaire,» explique Sonia Vaillancourt, directrice générale du Conseil québécois du loisir. Une mesure qui semble inspirante si l’on en juge par le congrès annuel sur le plein air organisé par les cégeps depuis deux ans.
Reste que l’encadrement des jeunes par les enseignants durant les sorties de plein air relève, la plupart du temps, d’une implication bénévole et d’«un investissement personnel fondé sur la passion et le goût de la partager».
On voit bien quelques initiatives prometteuses émerger çà et là, mais toujours grâce à un professeur plus passionné que la moyenne qui réussit à convaincre la direction de son école de l’utilité d’intégrer les jeux en pleine nature dans le cadre scolaire. Le plein air au programme officiel dans les commissions scolaires n’est peut-être qu’une simple question de temps…
Activités variées
Les vacances scolaires sont souvent l’occasion de renouer avec la nature et de restaurer les liens, soutient l’Association des camps du Québec (ACQ). Surtout pour les jeunes citadins. Canot-camping, équitation, sports d’adrénaline comme la via ferrata, l’hébertisme ou la tyrolienne, obser vation des loups : toutes ces activités sont offertes dans de nombreux camps de vacances à travers la province.
«Ce qui séduit les adolescents, c’est la variété des activités pratiquées, mixée avec l’expérience sociale: les deux se nourrissent l’une l’autre, croit Chloé Melançon-Beauséjour, de l’ACQ. Après trois ou quatre jours dans la nature, un adolescent malhabile, hésitant, solitaire développe des liens sociaux, reprend confiance et se sent valorisé par des aptitudes qu’il n’a pas toujours l’occasion de démontrer à l’école. » L’obsession de l’écran et du téléphone cellulaire? «Oubliée après deux jours! affirme Chloé Melançon-Beauséjour. Même s’ils reprennent leurs habitudes sitôt le retour à la maison, ils savent qu’ils peuvent s’en passer. »
Vecteur de changement ?
La pratique du plein air serait-elle vecteur de changement pour les ados? Sans aucun doute, surtout lorsque l’expérience perdure dans le temps. «J’ai en mémoire l’image d’ados crottés, dans de vieux chandails, veste de flottaison sur le dos, en sandales maganées, arrivant au dépanneur après 27 jours de canot camping sur la Gatineau», raconte en souriant Charles-Antoine Rioux, directeur des opérations à la base de plein air Air-Eau-Bois, en Outaouais. «Fini l’obsession du look !»
Voilà qui démonte plus d’un stéréotype de l’adolescent soucieux de son apparence et fixé à son écran tactile. Mieux encore: la solidarité et l’entraide font bien souvent partie de l’aventure.
«Dès qu’on ouvre la porte du plein air aux ados, ceux-ci deviennent accros », résume Charles-Antoine Rioux. Les chiffres le prouvent: la moitié des 13-17 ans qui fréquentent la base de plein air Air-Eau-Bois reviennent les années suivantes. Certains s’organisent même entre eux pour partir en gang deux ou trois jours de randonnée en automne.
Reste qu’un mois de canot-camping en camp de vacances coûte environ 1700 $, un budget que tous les ménages ne peuvent pas s’offrir. Sachez qu’un programme gouvernemental d’assistance financière à l’accessibilité aux camps de vacances permet de tronquer ce montant des deux tiers. Cette subvention vient d’ailleurs d’être reconduite jusqu’en 2020.
Après trois ou quatre jours dans la nature, un adolescent malhabile, hésitant, solitaire développe des liens sociaux, reprend confiance et se sent valorisé par des aptitudes qu’il n’a pas toujours l’occasion de démontrer à l’école CHLOÉ MELANÇON-BEAUSÉJOUR