La sécurité alimentaire, une affaire collective À la base, on travaille avec les humains plus reconnu» qu’avec la terre, et c’est ça que la FAO a Marcel Groleau, président de l’UPA
L’UPA joue les facilitateurs entre les paysans et les États
C’est en octobre 2012 qu’une première entente est signée entre l’Union des producteurs agricoles (UPA) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Aujourd’hui, on se réjouit de sa reconduction pour cinq ans, qui consolidera la mise en oeuvre d’actions communes visant à promouvoir le développement d’une agriculture familiale performante, économiquement viable, socialement solidaire, équitable et durable.
«Cettereconductionvientvaliderlerésultat qu’on obtient dans les actions qu’on pose», lance fièrement Marcel Groleau, président de l’UPA. Il a raison d’être fier, puisque l’UPA a été la première organisation du genre avec laquelle la FAO a signé une entente. «C’est un travail de longue haleine», ajoute-t-il, puisqu’il a fallu changer les habitudes, les comportements et les façons de faire, et démontrer qu’à la fin, c’est une manière de faire qui fonctionne. « À la base, on travaille avec les humains plus qu’avec la terre, et c’est ça que la FAO a reconnu», raconte le président. Mais quel est donc ce mandat que l’UPA aura à relever encore pour les cinq années à venir ?
Un lien entre la société civile et l’État
Il existe à l’UPA, depuis 1993, une branche de développement international, l’UPA DI, et André Beaudoin en est le secrétaire général: «On a commencé en appuyant la formation de producteurs dans la mise en marché des produits agricoles», explique-t-il. Après quelques années, ce qu’on soupçonnait s’avère: les politiques influencent directement le résultat des actions: «On peut bien travailler pendant des décennies à améliorer une situation lorsque, tout à coup, une décision politique peut anéantir le travail de dix ans de coopération.» C’est pourquoi l’UPA DI s’applique à travailler sur un plan très concret auprès d’organisations locales, régionales et nationales, tout en appuyant les États dans le développement des politiques agricoles.
C’est ainsi qu’au tournant des années 2000, l’UPA DI propose à sept pays d’Afrique de l’Ouest un projet d’initiation aux règles commerciales internationales. «Le projet réunissait les leaders agricoles, les hauts fonctionnaires des ministères de l’Agriculture et ceux du ministère du Commerce… Tout un défi!» rappelle André Beaudoin.
L’opération est un succès ; non seulement a-telle mené à une meilleure compréhension des enjeux, mais elle a aussi donné naissance à un réseau de contacts. « Toute l’expérience nous a permis de nous faire reconnaître comme une union capable de discuter avec les organisations paysannes ainsi qu’avec les gouvernements», explique le secrétaire. C’est à ce moment que la FAO remarque l’UPA. C’est cette prémisse qui a permis de signer la fameuse entente quelques années plus tard.
Au Niger ainsi qu’au Bénin
Depuis quelques années, le gouvernement nigérien développe une politique de souveraineté alimentaire. Les autorités ont vite réalisé que, pour appliquer cette politique, la collaboration des paysans était indispensable. C’est alors que le pays fait appel à la FAO, qui, elle, s’adresse à l’UPA: «On a réuni neuf organisations agricoles pour qu’elles soient capables de développer une position commune face à l’État qui, lui, était représenté par le Haut-commissariat de la sécurité alimentaire. Ils ont tous travaillé ensemble pour trouver des manières d’améliorer la productivité de l’agriculture locale avec des politiques plus favorables. »
Dans ce projet, l’UPA a voulu mettre en avant la capacité des acteurs à comprendre les politiques, à les adapter à la réalité du pays. «C’est un rapprochement entre la base et les autorités gouvernementales. Autrement, les réalités fonctionnent en vase clos», affirme André Beaudoin.
Malheureusement, pour l’instant, le Niger a fort à faire avec le mouvement terroriste Boko Haram qui sévit dans le pays, et même si l’UPA «a fait un travail louable, on n’est pas allés au bout de ce qu’on aurait pu faire…», déplore le secrétaire.
Toujours dans le cadre de l’entente avec la FAO, l’UPA est présente au Bénin, où elle a véritablement mis sur pied un observatoire des politiques agricoles à l’aide d’une présence de terrain très concrète. «On est à même de voir si les politiques répondent réellement aux problématiques pour lesquelles elles ont été pensées», précise André Beaudoin.
En novembre dernier s’est tenu un premier séminaire avec des agricultrices béninoises. Un des problèmes alors soulevés est l’accès à la terre: parce qu’apparemment, là-bas, les femmes, contrairement aux hommes, ne pourraient pas devenir propriétaires ou même locataires d’une terre. «Pourtant, les élus présents ont affirmé aux femmes que les lois étaient changées et que, dorénavant, les femmes avaient les mêmes droits que les hommes», raconte le secrétaire. Les femmes ont alors rétorqué que les lois étaient peut-être bien changées, mais jamais elles n’en avaient été informées et que, de plus, des lois écrites en français sont illisibles pour une majorité d’entre elles. Au-delà de ces affirmations, le travail de l’UPA a été de valider l’information sur le terrain avec chiffres à l’appui. «Dans le monde où l’on vit, même si on a de bonnes idées, si les lois et les pratiques ne nous permettent pas de les réaliser, on ne fait rien avancer», conclut-il.
Marcel Groleau imagine les cinq prochaines années comme une période de consolidation. Cette entente est une véritable vitrine pour l’organisation: «Pour l’UPA DI, c’est un visa spectaculaire. De plus, comme la FAO a des fonds pour intervenir dans les pays en développement, ça ne nuit pas ! » lance le président.