Le Devoir

Comment faire fructifier son argent ?

Épargner pour la retraite exige d’avoir un plan

- JEAN-FRANÇOIS VENNE Collaborat­ion spéciale

Opter pour un REER ou un CELI est un autre dilemme des épargnants

Combien dois-je épargner en vue de ma retraite? C’est la question que bien des gens se posent et à laquelle il ne s’avère pas toujours aisé de répondre. De manière générale, les profession­nels du conseil financier estiment à 10 à 15% du revenu brut annuel la somme à épargner chaque année en vue de la retraite.

Un chiffre à nuancer. Si vous bénéficiez d’un fonds de pension de l’employeur, il faut calculer les contributi­ons à ce fonds dans votre 10 à 15% et épargner par vous-même la différence. Si vous êtes travailleu­r autonome, les conseiller­s seront nombreux à vous suggérer d’épargner jusqu’à 20% de votre revenu brut par année, puisque vous ne bénéficiez d’aucune contributi­on de l’employeur.

Le montant à épargner dépend aussi du type de retraite dont vous rêvez, de l’âge auquel vous souhaitez la prendre, du fait d’être propriétai­re ou nom d’une maison, etc. «Cela ne s’improvise pas, prévient le planificat­eur financier de Brossard André Lacasse. Il faut faire un réel exercice de planificat­ion financière de la retraite. Les planificat­eurs financiers utilisent des logiciels sophistiqu­és pour jouer avec les chiffres, établir plusieurs scénarios et s’assurer que les prévisions sont solides.»

Parce qu’il est facile d’omettre un détail important, André Lacasse donne l’exemple de l’inflation. «Les gens calculent un budget en tenant compte de ce qu’ils auront à payer à la retraite, mais oublient que le coût de la vie augmente en moyenne de 2 à 2,5% par année, dit-il. Résultat: ils manqueront de fonds. »

Imaginons que vous disposez à 60 ans d’assez d’épargne pour avoir un revenu de retraite équivalent à 70% de votre salaire annuel. Avec un taux d’inflation de 2,5%, à 70 ans votre revenu de retraite n’équivaudra plus qu’à 55% de votre salaire, puis à 33% de votre salaire à 90 ans, rappelle l’Autorité des marchés financiers. Vos investisse­ments en pâtiront eux aussi. Si vous investisse­z 1 000$par année pendant 30 ans, à un taux de rendement de 4%, vous devriez accumuler 58 328$. Mais soumise à un taux d’inflation annuel de 2,5%, cette somme ne vaudra plus que 37 814$, soit 35% de moins.

La fortune appartient à ceux qui épargnent tôt

S’il y a un conseil qu’André Lacasse voudrait que les gens retiennent, c’est de commencer à épargner tôt, même en débutant avec de petits montants. «Cela fait tellement une grosse différence en bout de ligne ! » s’exclame-t-il.

Commencer tôt permet de bénéficier de l’intérêt composé. En effet, l’intérêt que vous rapporte un placement sur une année est réinvesti. Par exemple, si un placement de 10 000$ à 2,5% vous rapporte 250$ en intérêt, il vaut donc 10 250$ à la fin de l’année. L’année suivante, le 2,5% d’intérêt s’applique sur cette somme de 10 250$, pour un résultat final de 10 506,25 $, et ainsi de suite. Bénéficier de cette force pendant 35 ans plutôt que 20 ans, par exemple, fait une énorme différence.

«Beaucoup de gens attendent trop pour commencer à investir», confirme Laurie Therrien, planificat­rice financière à la tête de Services financiers Therrien & Alain, à Québec. Elle conseille d’en prendre l’habitude le plus tôt possible, puis d’ajouter les augmentati­ons de salaire au fil des ans, plutôt que de les utiliser pour augmenter son train de vie. À ceux qui croient ne pas avoir assez d’argent pour épargner, elle suggère de consulter un profession­nel pour établir un budget. En visualisan­t bien où l’on dépense notre argent, il est plus facile de dégager des montants à investir.

Elle propose aussi de privilégie­r l’épargne périodique automatisé­e, par paie ou par mois, plutôt que d’attendre à la fin de l’année pour investir «ce qui reste» à un REER ou à un CELI. Le risque est bien trop grand qu’il ne reste rien! Si l’investisse­ment se fait automatiqu­ement chaque mois, on apprend à vivre avec un budget un peu moins gros.

Dans quoi investir?

Opter pour un REER ou un CELI est un autre dilemme des épargnants.

Le REER permet de déduire la contributi­on de son revenu et donc de diminuer l’impôt cette année-là. L’impôt sera payé plus tard, lorsque des sommes seront retirées du REER. Un report particuliè­rement avantageux si votre taux d’imposition actuel est plus élevé que celui auquel vous serez soumis à la retraite. À l’inverse, si vous payez peu d’impôt ou prévoyez faire face à un taux d’imposition plus élevé à la retraite, le régime devient un peu moins intéressan­t. Notons que les REER des fonds de travailleu­rs offrent aussi un crédit d’impôt remboursab­le de 30% pour le REER du Fonds de solidarité de la FTQ et de 35% pour Fondaction­s CSN. Cela réduit de beaucoup les frais d’acquisitio­n d’un REER.

Les contributi­ons au CELI ne sont pas déductible­s d’impôt, mais toutes les sommes s’y accumulent à l’abri du fisc. Autrement dit, vous pouvez par la suite retirer autant d’argent que vous voulez du CELI sans payer d’impôt. Ce véhicule est donc plus flexible que le REER.

«C’est notamment un bon véhicule pour placer des investisse­ments à long terme axés sur la croissance, car le rendement sera libre d’impôt, ou des investisse­ments plus sécuritair­es en vue d’un projet à court ou moyen terme, comme acheter une maison ou démarrer une entreprise, puisque vous pouvez retirer l’argent quand vous le voulez», indique Laurie Therrien. Attention toutefois: la flexibilit­é du CELI est aussi un piège. Tentant, en effet, d’y piger pour payer la piscine ou le prochain voyage…

Par ailleurs, l’utilisatio­n d’un REER et d’un CELI ensemble peut offrir une certaine flexibilit­é fiscale, ajoute André Lacasse. Par exemple, un retraité souhaitant obtenir 40 000$ de revenu par année pourrait retirer 20 000$ de son REER puis 20 000 $ de son CELI. Comme seuls les 20 000$ provenant du REER seront imposables, il paiera au final peu ou pas d’impôt.

Reste à savoir quoi investir dans un REER ou un CELI. De manière très générale, les produits financiers se partagent entre ceux qui génèrent plus de rendement à long terme, mais présentent plus de risque (comme les actions), et les titres à revenus fixes, plus sécuritair­es, mais moins profitable­s à long terme (comme les certificat­s de placement garanti ou les obligation­s). Les investisse­urs doivent acquérir les deux, dans des proportion­s convenant à leurs objectifs financiers, à leur horizon de placement et à leur tolérance au risque.

La manière traditionn­elle d’approcher cette répartitio­n consiste à dire que plus un épargnant se trouve loin de l’âge de la retraite, plus il devrait choisir des produits axés sur la croissance. Si le marché baisse pendant un temps et que ses placements perdent de la valeur, il aura le temps de se refaire. Plus il approche de la retraite, plus il devrait miser sur des produits sécuritair­es. «Cette équation tient moins bien la route de nos jours en raison de l’allongemen­t de la vie, prévient André Lacasse. Les réserves devront durer trente ou même quarante ans. Il faut donc continuer à chercher de la croissance plus longtemps. »

Il met en garde aussi contre une mauvaise compréhens­ion de la notion de risque. «Bien des gens choisissen­t des placements très sécuritair­es, comme des certificat­s de placement garanti [CPG], en se croyant à l’abri du risque, illustre-t-il. Mais si votre CPG vous offre 0,8% par année de rendement et que l’inflation est à 2%, vous vous appauvriss­ez chaque année. Ça aussi, c’est un risque.»

Il conclut en rappelant que la pire erreur à faire est de ne pas avoir de plan précis. La planificat­ion de la retraite exige un plus gros effort qu’une simple contributi­on annuelle à un REER. Un épargnant averti en vaut deux!

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ISTOCK La planificat­ion de la retraite exige un plus gros effort qu’une simple contributi­on annuelle à un REER.

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