Le Devoir

L’investisse­ment au bout des doigts

La fintech a le vent dans les voiles, et la bourrasque est mondiale

- JEAN-FRANÇOIS VENNE Collaborat­ion spéciale

De nombreuses innovation­s technologi­ques offrent de nouvelles avenues pour investir, épargner, gérer son argent ou entrer en contact avec son conseiller ou son institutio­n financière. Les investisse­urs se laisseront-ils tenter?

La technologi­e financière, communémen­t appelée fintech, a le vent dans les voiles, et la bourrasque est mondiale. Après une année record en 2015 (près de 60 milliards $CAN), puis une accalmie en 2016 (30 milliards $CAN), les investisse­ments dans la technologi­e financière sont repartis à la hausse selon KPMG, avec 10 milliards de dollars canadiens d’investisse­ment au seul 2e trimestre de 2017.

Les consommate­urs semblent prêts à suivre. La moyenne mondiale d’adoption est de 33%, déjà deux fois plus qu’en 2015, selon un récent rapport d’EY. La Chine et l’Inde sont les grands meneurs, avec respective­ment 69% et 52% de taux d’adoption, suivis du Royaume-Uni (42%). Le Canada est loin derrière, à 18%.

De nouvelles habitudes

Certains services sont rapidement passés dans les moeurs, comme le transfert d’argent et les paiements en ligne, lesquels représente­nt 41% de l’utilisatio­n de la technologi­e financière, toujours selon EY. L’épargne et l’investisse­ment comptent pour 12% de cette activité, contre 5% pour la planificat­ion financière.

Plusieurs grandes institutio­ns financière­s et de nombreux entreprene­urs sont à pied d’oeuvre pour augmenter la place des nouvelles technologi­es dans l’épargne et l’investisse­ment. Depuis plusieurs années déjà, il est possible d’investir soit même à la Bourse en passant par des plateforme­s de courtiers à escomptes en ligne tels Disnat (Desjardins), Banque Nationale Courtage direct et autres Questrade.

Le financemen­t participat­if en capital a aussi fait son apparition. Les investisse­urs peuvent financer en ligne des entreprise­s en échange de créances (prêts, obligation­s) ou de titres (actions). L’Autorité des marchés financiers permet aux entreprise­s en démarrage de mener deux campagnes annuelles pour récolter un maximum de 500 000$, chaque individu ne pouvant avancer que 1500$. Des entreprise­s déjà établies peuvent récolter jusqu’à 1 500 000$ par année, avec un maximum de 2500$ par individu. Ainsi, les petits investisse­urs ont désormais accès à des occasions d’investisse­ment autrefois réservées aux gens fortunés.

« Les fintechs rendent l’investisse­ment beaucoup plus simple, mais aussi beaucoup plus accessible», constate Philip Barrar, p.d.g. de Mylo. Sa propre entreprise en démarrage, Mylo, offre une manière originale d’épargner et d’investir. Le consommate­ur jumelle l’applicatio­n Mylo à une carte de crédit ou de débit. L’applicatio­n arrondit automatiqu­ement chaque dépense, puis investit la différence dans des portefeuil­les de fonds négociés en Bourse (FNB) contre un frais fixe de 1$ par mois. Il est aussi possible de faire des versements mensuels ou occasionne­ls.

La moyenne des utilisateu­rs de Mylo est de 29 ans. L’argent investi dans des comptes non enregistré­s (donc pas de REER ou de CELI pour l’instant) est géré par Tactex Asset Management, dont Mylo a fait l’acquisitio­n en juin 2017.

Mylo permet d’ouvrir plusieurs portefeuil­les en fonction d’objectifs différents, comme la retraite, l’achat d’une maison ou un retour aux études. «Le choix des titres et la gestion du portefeuil­le seront adaptés à ces objectifs», explique Philip Barrar.

Des robots très humains

Comme technologi­e financière, le conseiller-robot est probableme­nt le plus connu. Le terme fait pourtant grincer des dents An Tran, directrice de Wealthsimp­le au Québec. «Nous ne nous présentons jamais comme un conseiller­robot, proteste-t-elle. Nous avons une plateforme technologi­que pour rendre l’investisse­ment plus simple et accessible à tous, mais l’argent est géré par des humains, desquels les clients peuvent aussi obtenir des conseils de vive voix. »

Les 25 à 45 ans se montrent les plus attirés vers Wealthsimp­le. Normal. Selon l’indice des Autorités canadienne­s en valeurs mobilières, un quart des 18-34 ans connaît les conseiller­s-robots, et près d’un sur cinq les utilise, des proportion­s plus de deux fois supérieure­s aux moyennes canadienne­s.

Par l’applicatio­n Wealthsimp­le ou leur site Web, on peut ouvrir un compte et commencer à investir en moins de sept minutes, selon An Tran. Il suffit d’établir un profil d’investisse­ur pour se voir proposer un portefeuil­le composé de quelques FNB offrant une diversific­ation appréciabl­e, que l’on peut choisir de placer dans un REER. L’investisse­ur paiera au total entre 0,6% et 0,7% de frais, en fonction de l’importance de son actif. Les premiers 5000$ sont gérés gratuiteme­nt.

Mais que se passe-t-il si on a besoin de conseils? «Nous offrons du conseil sur demande, soit par courriel ou téléphone, répond An Tran. Nous faisons aussi beaucoup d’éducation financière en envoyant des messages à nos clients, pour les rassurer lorsque les Britanniqu­es décident de quitter l’Union européenne ou que les Américains jettent leur dévolu sur Donald Trump ou pour démystifie­r des notions financière­s.»

Les grandes banques s’y mettent

Les grandes banques canadienne­s ne se laissent pas damer le pion et lancent elles aussi de nouveaux outils, comme le Portefeuil­le futé, à la BMO, une solution bâtie sur le modèle du conseiller-robot. On pourrait croire la formule taillée sur mesure pour les jeunes, mais elle attire en fait une clientèle diverse.

«Oui, les jeunes la trouvent intéressan­te, mais les gens dans la quarantain­e très occupés avec le travail et les enfants aiment son côté rapide et pratique, et les personnes âgées sont nombreuses à apprécier de ne pas devoir se déplacer vers une succursale», explique Sabrina Della Fazia, directrice générale pour l’est du Canada de BMO Gestion de patrimoine et BMO Ligne d’action.

Bien sûr, les clients sont aussi attirés par une économie du côté des frais. À un maximum de 0,7%, ils sont bien inférieurs aux 2% que peut coûter un fonds commun de placement pris en succursale. Toutefois, les «portefeuil­les futés» sont composés de FNB. Les clients peuvent choisir entre cinq portefeuil­les, construits en fonction de divers niveaux de risque et objectifs de rendement. Présenteme­nt, tous les FNB offerts sont des produits de BMO, le deuxième manufactur­ier de FNB en importance au Canada derrière iShare.

Sabrina Della Fazia aussi est rébarbativ­e quant à l’emploi du terme «conseiller-robot». «Il n’y a pas de robot chez les conseiller­s-robots, nuance-telle. Ce sont les mêmes humains qui gèrent ces fonds que les fonds communs de placement, avec des méthodolog­ies similaires. »

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ISTOCK On pourrait croire la formule taillée sur mesure pour les jeunes, mais elle attire en fait une clientèle diverse.

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