Le Devoir

L’Italie sous le choc après une fusillade raciste

L’événement survient alors que la droite fait une percée à un mois des législativ­es

- FRANCESCO CARVELLI à Macerata

La fusillade à caractère raciste contre des Africains qui a fait six blessés samedi à Macerata, dans le centre de l’Italie, a glacé le pays à un mois jour pour jour des élections législativ­es. Luca Traini, 28 ans, crâne rasé, tatouage d’inspiratio­n fasciste sur la tempe, a vidé samedi matin deux chargeurs avec un pistolet semi-automatiqu­e dans les rues de Macerata, une commune de 43 000 habitants non loin de la côte adriatique, blessant cinq hommes et une femme originaire­s du Mali, du Ghana et du Nigeria.

Le jeune homme a expliqué son geste après avoir appris le meurtre d’une jeune fille de 18 ans et l’arrestatio­n d’un Nigérian soupçonné de cet assassinat.

«J’étais en train de me rendre en voiture à mon club de gym quand j’ai entendu à la radio l’histoire de la jeune fille de 18 ans. D’instinct, j’ai fait demi-tour, je suis rentré chez moi, j’ai ouvert le coffre-fort et j’ai pris le pistolet. J’ai décidé de tous les tuer », a raconté aux enquêteurs Luca Traini, cité par le journal Il Corriere della Sera.

Cet agent de sécurité a passé la nuit dans la prison de la région où se trouve également le Nigérian demandeur d’asile et dealer soupçonné d’avoir assassiné cette semaine Pamela Mastropiet­ro et d’avoir découpé son corps en morceaux.

Selon Francesco Clerico, propriétai­re d’un club de gym de Macerata qui avait exclu Luca Traini en raison de son comporteme­nt extrémiste et déséquilib­ré, ce dernier «était tellement mal qu’il était allé voir un psychiatre ». « Le médecin avait jugé qu’il était un sujet borderline », a-t-il confié au Corriere della Sera.

Un exemplaire de Mein Kampf, un livre d’histoire sur Benito Mussolini, un magazine sur la jeunesse fasciste ou encore des croix celtiques ont été retrouvés dans une chambre au domicile de sa mère, ont annoncé dimanche les autorités italiennes.

La popularité de la droite

À un mois des législativ­es du 4 mars, à l’issue très incertaine, mais marquées par une montée de la droite, ce fait divers inquiète.

«Nous devons être épouvantés», a estimé l’éditoriali­ste du Corriere della Sera, pour qui ce genre d’incidents peut se reproduire quand le «discours de haine» devient une «forme habituelle de polémique politique ».

Luca Traini s’était présenté aux municipale­s l’an dernier sous l’étiquette de la Ligue du Nord (LN), parti d’extrême droite et anti-immigratio­n proche du Front national français.

Le leader de la Ligue, Matteo Salvini, a certes condamné samedi le geste de Luca Traini, mais pour aussitôt dénoncer l’«invasion migratoire» source d’«affronteme­nt social».

Dimanche, il a à nouveau dénoncé l’«immigratio­n clandestin­e», affirmant que les Italiens n’étaient pas racistes, mais qu’ils voulaient vivre dans un «pays civil», où on «vit et on travaille tranquille­ment ».

Son allié au centre droit, l’ancien premier ministre Silvio Berlusconi, a souligné dimanche le «problème de sécurité» que pose selon lui ce qui s’est produit à Macerata. L’immigratio­n en Italie est une «bombe sociale prête à exploser», a-t-il affirmé.

L’éditoriali­ste du quotidien La Repubblica s’interrogea­it dimanche sur les conséquenc­es du «venin inoculé» en Italie par certains hommes politiques.

L’Italie a vu débarquer sur ses côtes quelque 630 000 migrants depuis 2014. Et si beaucoup ont depuis passé la frontière vers le nord, la présence de dizaines de milliers de ces migrants pèse dans un pays qui a toujours été une terre d’émigration plutôt que d’immigratio­n.

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