Le Devoir

Abolition du Commissair­e à la santé : le ministre évaluera lui-même ses propres politiques

- AMÉLIE DAOUST-BOISVERT

Aucun ajout de ressources ne semble prévu pour assumer une des fonctions centrales du Commissair­e à la santé et au bien-être (CSBE) à son abolition, soit celle de « donner des avis au ministre sur l’évolution de l’état de santé et de bien-être de la population, notamment par l’analyse rétrospect­ive des impacts des politiques gouverneme­ntales ».

Au sein du projet de loi 150 présenteme­nt à l’étude, cette mission est confiée au ministre de la Santé et des Services sociaux (MSSS) lui-même. Mais «après l’adoption du PL-150, les responsabi­lités à cet égard pourront se poursuivre à travers les responsabi­lités déjà existantes du ministère», a indiqué le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) au Devoir mardi.

Les directions de la santé publique et de l’évaluation du MSSS assument déjà ces responsabi­lités, a précisé la responsabl­e des relations de presse Marie-Claude Lacasse.

En commission parlementa­ire sur l’étude du projet de loi 150 mardi, le p.d.g. de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), Luc Boileau, a affirmé qu’un autre organisme assumait lui aussi ces fonctions, c’est-à-dire l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

«Ce morceau-là est important et il l’est dans tous les systèmes de santé», a convenu M. Boileau.

«L’INSPQ, c’est sa mission, alors cet article n’a pas besoin d’être rapatrié» à l’INESSS, at-il expliqué.

Le président du Réseau FADOQ, Danis Prud’homme, lorsqu’il a présenté un mémoire devant la commission parlementa­ire qui étudie le projet de loi 150 en janvier, a déploré que «le plus important des pouvoirs du CSBE sera transféré au ministre directemen­t ».

L’INESSS se défend

Luc Boileau a en outre profité de son allocution de mardi pour défendre l’indépendan­ce de son organisme et ses compétence­s pour assumer les quatre fonctions du CSBE qui doivent lui incomber dans le futur.

Ces fonctions touchent l’évaluation du système de santé, ses résultats en fonction des ressources allouées, sa performanc­e et les changement­s nécessaire­s pour en améliorer l’efficience, entre autres.

«Nous avons tout autant de distance [que le CSBE], nous sommes un organisme autonome », a clamé M. Boileau.

Pour lui, les nouvelles fonctions sont en «totale synergie » avec la mission actuelle de l’INESSS. «C’est un défi réaliste», a-t-il ajouté.

Il a fait valoir qu’il avait obtenu, il y a quelques mois, l’accès aux données cliniques de la RAMQ et du MSSS nécessaire­s pour remplir ce nouveau mandat.

Mais de quelles ressources disposera-t-il? «Nous ne prévoyons pas un très grand transfert de personnel », a-t-il indiqué. Il anticipe des « transferts de crédits et même d’expertise ».

Un document obtenu du MSSS par Le Devoir par le biais de la loi sur l’accès à l’informatio­n précise que des crédits de 500 000 dollars doivent être transmis à l’INESSS pour couvrir les frais de cinq postes « provenant de la structure du CSBE ».

Ce document précise que «l’économie» découlant de l’abolition du Commissair­e est donc de 2,2 millions de dollars annuelleme­nt.

Une quinzaine de personnes travaillai­ent au CSBE avant l’annonce de son abolition. Ils ont démissionn­é un à un, se trouvant des emplois ailleurs.

Pour la députée du Parti québécois Diane Lamarre, «on ne

Le président du Réseau FADOQ a déploré que «le plus important des pouvoirs du CSBE sera transféré au ministre directemen­t »

sent pas une grande motivation de la part du ministre [Gaétan Barrette] pour assurer le transfert de ces fonctions», a-t-elle indiqué en entrevue.

Bureaux vides

Les bureaux du CSBE sont vides depuis la mi-décembre alors que la commissair­e par intérim Anne Robitaille est partie après avoir rendu publics ses derniers rapports. Elle a obtenu un poste de directrice générale des politiques et de la performanc­e ministérie­lle au ministère de l’Éducation et de l’Enseigneme­nt supérieur.

La fermeture du CSBE avant l’adoption du projet de loi 150 qui officialis­e son abolition aurait constitué un «outrage au Parlement », c’est-àdire, selon les règles de l’Assemblée nationale, quand un ministère ou un organisme public agit comme « si des dispositio­ns contenues dans un projet de loi avaient force de loi ».

Pour le MSSS, ce n’est pas le cas. L’enjeu, répond le MSSS, c’est que «les employés ont choisi de se [réaffecter] dans d’autres organisati­ons».

«Les responsabi­lités administra­tives du CSBE ont été transférée­s à la Direction générale de la planificat­ion, de l’évaluation et de la qualité du MSSS, et ce, jusqu’à l’adoption du PL-150», ajoute la responsabl­e de relations de presse Marie-Claude Lacasse.

Newspapers in French

Newspapers from Canada