Le Devoir

Ottawa reste coi sur l’interdit de culture du pot au Québec

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Le gouverneme­nt fédéral estime que la culture à domicile de la marijuana doit être autorisée afin d’éviter la criminalis­ation inutile des consommate­urs réguliers. Mais Ottawa n’entend pas pour autant rappeler à l’ordre le Québec et le Manitoba, qui ont décidé de faire fi de la consigne et de l’interdire complèteme­nt.

«En autorisant la culture limitée à domicile, nous visons deux objectifs», a expliqué la ministre de la Santé Ginette Petitpas-Taylor lors d’une séance extraordin­aire du Sénat où les quatre ministres fédéraux responsabl­es du dossier du cannabis ont répondu pendant deux heures aux questions des sénateurs.

« D’abord et avant tout, [nous voulons] prévenir la criminalis­ation inutile des Canadiens autrement respectueu­x de la loi qui font pousser un petit nombre de plantes pour leur usage personnel de façon responsabl­e, et ensuite, contribuer à mettre fin au marché illégal. »

«[Nous voulons] prévenir la criminalis­ation inutile des Canadiens [...], et ensuite, contribuer à mettre fin au marché illégal Ginette Petitpas-Taylor, ministre fédérale de la Santé

Faire bande à part

Le projet de loi fédéral C-45 légalisant la marijuana autorise la culture personnell­e d’un maximum de quatre plants de cannabis par domicile. Après consultati­on, il a été décidé de n’imposer aucune limite sur la taille de ces plants. Les provinces sont libres de se doter d’un seuil moindre si elles le désirent.

Mais le Québec, et plus récemment le Manitoba, a choisi d’abaisser ce seuil à zéro et de ne permettre aucune culture personnell­e. Cela va-t-il à l’encontre de l’objectif poursuivi parle gouverneme­nt fédéral?

La ministre Petitpas-Taylor et sa collègue à la Justice, Judy Wilson-Raybould, ont répondu de manière en apparence contradict­oire.

Mme Wilson-Raybould a rappelé que l’article 7 du projet de loi stipule qu’un de ses objectifs est «de permettre la production licite de cannabis afin de limiter l’exercice d’activités illicites ».

«Nous ne voulons pas que des gestes soient posés dans d’autres juridictio­ns qui saperaient l’objectif de la loi», a déclaré la ministre.

Puis, sa collègue PetitpasTa­ylor a semblé aller dans la direction opposée en concluant que la fixation du nombre de plants permis relève de «la discrétion» de chaque province. «C’est finalement leur décision. »

Plusieurs professeur­s de droit ont indiqué au Devoir cet automne qu’un citoyen du Québec qui contestera­it son arrestatio­n pour culture à domicile pourrait probableme­nt contester avec succès la validité de la loi québécoise sur la base qu’elle contrecarr­e l’esprit de la loi fédérale.

Délai de deux à trois mois

Par ailleurs, la ministre Petitpas-Taylor a indiqué aux sénateurs qu’il faudrait attendre entre deux et trois mois après l’adoption définitive du projet de loi C-45 avant que celui-ci n’entre en vigueur, c’est-à-dire avant que le cannabis ne soit vraiment légal.

«D’un point de vue pratique, les provinces et territoire­s nous ont dit qu’ils ont besoin de 8 à 12 semaines après la sanction royale pour que les activités démarrent, par exemple le transport légal du produit entre les producteur­s et les points de vente, et pour que les gens puissent acheter légalement du cannabis», a indiqué la ministre de la Santé.

Aux journalist­es qui lui ont demandé si l’objectif de légaliser la substance d’ici le 1er juillet tenait alors toujours, Mme Petitpas-Taylor a soutenu que le jour de juillet n’avait jamais été coulé dans le béton. «Nous pensons toujours que juillet 2018 est réaliste. »

Cela signifiera­it toutefois que le Sénat devrait au plus tard adopter le projet de loi début mai.

Le sénateur conservate­ur Larry Smith a déclaré d’entrée de jeu pendant la séance extraordin­aire que les conservate­urs n’avaient aucune intention d’être «obstructio­nnistes», comme cela avait été indiqué dans les médias.

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ALEKSANDAR KAMASI GETTY IMAGES Alors que le gouverneme­nt fédéral compte autoriser la culture limitée de marijuana à domicile, le Québec et le Manitoba entendent l’interdire complèteme­nt.

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