Finie la discrimination chez les poissons
Ottawa ne protègera plus seulement les espèces pêchées à des fins récréatives ou commerciales
Il n’y aura plus de discrimination entre les différentes espèces de poissons et de mammifères marins.
Le gouvernement libéral de Justin Trudeau annule en effet les changements législatifs apportés par les conservateurs en 2012 qui avaient restreint les protections aux seuls poissons pêchés à des fins récréatives, commerciales ou autochtones.
Ottawa en profite pour se donner le pouvoir d’agir plus rapidement lors de crises, comme celle affectant la baleine noire, et s’engage à prendre en compte le savoir traditionnel autochtone lors de ses décisions.
Le projet de loi C-68 déposé mardi à Ottawa restaure les protections de l’habitat pour tous les poissons et les mammifères marins. Les hauts fonctionnaires de Pêches et Océans ont admis, lors d’une séance d’information, que le changement apportera surtout plus de clarté en éliminant les variations régionales.
Dans la foulée du changement de 2012, ont-ils expliqué, les provinces s’étaient adaptées différemment.
Certaines, comme la Saskatchewan, avaient continué à protéger tous les poissons, tandis que d’autres, comme la Colombie-Britannique, avaient dressé une liste des poissons pêchés à des fins commerciales, récréatives ou autochtones. Si un poisson n’y figurait pas, il n’était plus clair si son habitat nécessitait ou non une protection lors de la réalisation d’un projet. Cette ambiguïté sera levée, clame-t-on.
Le projet de loi libéral ne fait pas que restaurer la Loi sur les pêches dans sa version d’avant 2012. Il accorde au ministre deux nouveaux pouvoirs, soit celui de mettre en place des mesures à court terme pour réagir rapidement à des menaces imprévues pour la conser vation du poisson et celui de mettre en place des restrictions de pêche dans certaines zones afin de protéger la biodiversité.
Agir plus rapidement
Ce second pouvoir aurait pu être utilisé pour protéger la baleine noire de l’Atlantique Nord. Les fonctionnaires ont expliqué qu’à l’heure actuelle, si le ministre désirait restreindre le nombre de filets de pêche nuisibles à ces baleines, il devrait modifier chacun des permis de pêche délivrés.
Or, ont-ils plaidé, il y en a «des centaines, voire des milliers». Cela crée un délai administratif. Le nouveau pouvoir permettra d’agir plus rapidement, promet-on.
Rappelons qu’au moins 16 baleines noires de l’Atlantique Nord, une espèce en voie de disparition, sont mortes l’été dernier dans les eaux canadiennes et américaines.
Les nécropsies ont révélé qu’elles étaient mortes soit d’une collision avec des bateaux, soit après s’être empêtrées dans des engins de pêche.
Savoir traditionnel
Le projet de loi formalise par ailleurs la prise en considération des intérêts autochtones lorsque le ministre prend des décisions.
Le texte législatif stipule que le ministre doit prendre en compte les «effets préjudiciables que la décision peut avoir sur les droits de peuples autochtones du Canada reconnus et confirmés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 ». Cela pourrait se faire sentir quand le ministre accorde des droits de pêche, par exemple.
« Les gens et les acteurs de l’industrie de la pêche doivent comprendre que, lorsqu’on parle d’une relation de nation à nation basée sur la reconnaissance de droits des peuples autochtones, il y aura des ajustements à l’avenir en faveur de certaines nations autochtones et je suis prêt à les faire», a plaidé le ministre LeBlanc.
Réactions politiques
Le Nouveau Parti démocratique et le Parti vert applaudissent au projet de loi.
« Je suis très heureuse de dire que ce projet de loi ressemble beaucoup à l’ancienne Loi sur les pêches», a déclaré la chef du Parti vert, Elizabeth May.
Le chef conservateur déplore au contraire que ce premier projet de loi (un autre réformant le processus d’évaluation environnementale des grands projets tels que les pipelines est attendu plus tard cette semaine) s’inscrive dans une politique plus large de blocage systématique du développement.
« Beaucoup de ce qu’ils font est construit de manière à obtenir un “non”. Ils veulent que le processus débouche sur le rejet [des projets]», a déclaré Andrew Scheer.
Ottawa en profite pour se donner le pouvoir d’agir plus rapidement lors de crises, comme celle affectant la baleine noire