Le temps libre au lieu de l’argent
Après avoir annoncé un assouplissement du régime d’assurance parentale, le gouvernement Couillard entend modifier la Loi sur les normes du travail afin d’accorder davantage de congés payés aux salariés. Québec solidaire promet des mesures encore plus généreuses. À l’heure où l’épuisement professionnel et la conciliation travail-famille sont des préoccupations, favoriser la qualité de vie est un choix judicieux.
Le printemps dernier, le premier ministre Philippe Couillard avait évoqué la possibilité que les salariés puissent ne plus avoir à attendre leur cinquième année de service continu avant d’obtenir une troisième semaine de vacances payées. D’après Radio-Canada, la ministre du Travail, Dominique Vien, devrait déposer un projet de loi afin de modifier en ce sens la Loi sur les normes du travail, qui n’a pas été revue depuis 2002. À cette troisième semaine accordée aux jeunes salariés, s’ajouteraient deux journées de congé payé pour remplir des obligations familiales ou à la suite d’un accident ou d’une maladie. À l’heure actuelle, les normes de travail permettent aux employés de s’absenter pour ces motifs, mais à leurs frais.
Courtisant les jeunes familles, Philippe Couillard a aussi annoncé la semaine dernière des changements au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP).
À tout seigneur tout honneur, Québec solidaire, bien campé à gauche sur l’échiquier politique, y est allé de propositions inspirées des pays européens les plus progressistes: trois semaines de vacances après un an de service et quatre semaines après deux ans. Les salariés disposeraient aussi de dix jours de congé payé par an pour s’acquitter de leurs responsabilités familiales.
Ces promesses, que ce soient celles des libéraux ou des solidaires, n’affectent pas l’équilibre des finances publiques. En ce sens, elles sont d’autant faciles à tenir. Mais le gouvernement doit tenir compte des conséquences pour les entreprises, particulièrement les plus petites.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) a évalué à 2,5 milliards l’impact financier de la troisième semaine de vacances pour les petites et moyennes entreprises. Cette évaluation correspond à 1,25% des revenus annuels de l’ensemble des PME du Québec, ce qui semble nettement exagéré. Pour l’employé, une semaine de vacances de plus représente 2% de son salaire. Mais ce ne sont que les salariés comptant trois ans et quatre ans d’ancienneté qui en bénéficieraient, donc un petit nombre d’entre eux.
À ce jour, ni le Parti québécois ni la Coalition avenir Québec n’ont fait part de leurs propositions pour améliorer le sort des salariés. La CAQ, dont le député Simon Jolin-Barrette, dans la plaquette qu’il vient de publier, a vanté les mérites de la semaine de 60 heures, a surtout parlé d’argent sous forme de baisses de taxes et d’impôts. Nous attendons leurs propositions.
De plus longues vacances devraient contribuer à la satisfaction des employés non syndiqués, ce qui pourrait avoir une influence bénéfique sur leur productivité. Mais l’intérêt de cette mesure dépasse les simples considérations économiques; elle améliorera concrètement la situation de milliers de travailleurs parmi les moins choyés.
En s’intéressant au sort de ces petits salariés, le gouvernement Couillard poursuit certes une stratégie électorale, montrant qu’après les compressions qui ont touché des citoyens vulnérables, il peut arborer un visage «social». En dépit de ces motifs intéressés, nous devons saluer des propositions qui vont dans le sens d’une plus grande justice sociale.