Le Devoir

L’opacité de l’entente Netflix est un affront à plus d’un million de PME

- JOSÉE LEMIEUX ET MATHIEU SANTERRE Présidente et associé chez L’Orange bleue affaires publiques inc.

En septembre dernier, nous avons été ébahis par l’entente qui accorde à la multinatio­nale Netflix un congé fiscal injustifia­ble. Certains auront alors dénoncé votre conception d’une «équité à géométrie variable», d’autres parlant carrément de votre «complicité à la délinquanc­e fiscale ». À cette ineptie politique s’ajoute maintenant le manque de transparen­ce flagrant démontré par les réponses aux demandes d’accès à l’informatio­n du professeur Jean-Hugues Roy.

Nous pensions que nous étions arrivés à une ère de transparen­ce et que la gestion obscure des affaires publiques était d’une autre époque. Or l’entente Netflix nous fait reculer très loin dans le passé sur cet aspect, comme sur ceux de l’équité et de la culture.

L’entente Netflix est une offense faite aux petites entreprise­s québécoise­s et canadienne­s comme la nôtre. Qu’est-ce qui peut justifier qu’une multinatio­nale bénéficie d’un tel passe-droit fiscal alors que dans plus d’un million de PME au Canada les travailleu­rs se battent pour assurer la rentabilit­é de leurs entreprise­s tout en respectant leurs obligation­s fiscales? Comment devons-nous réagir face à cette annonce, alors que c’est le «bar ouvert» pour les géants étrangers et qu’il ne reste que des miettes pour les entreprene­urs locaux?

Principe de transparen­ce

D’autre part, il s’agit d’un échec flagrant dans votre rôle de ministre du Patrimoine canadien. Non seulement l’entente Netflix abandonne la souveraine­té culturelle de notre pays aux mains d’une multinatio­nale, mais elle renie carrément la culture entreprene­uriale canadienne et québécoise, qui fait tout autant partie de notre patrimoine national. Les Canadiens sont fiers de travailler au sein des millions de PME et de contribuer à l’enrichisse­ment collectif autant qu’ils sont fiers de leur culture artistique. Cette entente est un désaveu du tissu social canadien, au profit, encore une fois, d’un géant américain prédateur. Venant de la part de notre ministre du Patrimoine, c’est à se demander si nous sommes dans une fiction.

Finalement, la façon dont votre ministère a géré ce dossier est en soi un désaveu du principe crucial de la transparen­ce. C’est pourtant une des valeurs principale­s de notre entreprise, et certaineme­nt de la majorité des PME canadienne­s. La transparen­ce est la meilleure façon d’assurer l’intégrité dans nos entreprise­s et dans nos décisions. Malheureus­ement, le caviardage des documents concernant l’entente Netflix semble nous confirmer que quelque chose de malsain s’y cache.

À nos yeux, il n’y a qu’une solution et elle est simple: vous devez revoir l’entente et soumettre Netflix aux mêmes règles fiscales que toute autre entreprise. Cela relève de votre devoir de ministre du Patrimoine canadien, car le patrimoine canadien n’est pas seulement artistique, il est également entreprene­urial et vit à travers plus d’un million de PME au pays qui, aujourd’hui, se sentent trahies par cette décision inéquitabl­e et opaque de leur gouverneme­nt.

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