Le pire déficit commercial en neuf ans
Une partie de la hausse de ce déficit pourrait être le résultat des politiques de Donald Trump, affirment des experts
La première année de Donald Trump à la Maison-Blanche s’est conclue par le déficit commercial le plus élevé en neuf ans aux États-Unis.
Déficitaire depuis des décennies, le solde américain du commerce des biens et services s’est creusé de 12%, ou 61 milliards $US, l’an dernier, passant de 505 milliards $US en 2016 à 566 milliards en 2017, a rapporté mardi le département américain du Commerce.
Ce niveau est le plus élevé depuis 2008. Il arrive alors que le nouveau gouvernement Trump s’est justement largement fait élire en accusant le commerce d’être responsable des malheurs des travailleurs américains et en promettant de remédier à la situation. Ironiquement, une partie de la hausse du déficit commercial pourrait être le résultat de ses propres politiques, selon des experts.
La dégradation du solde commercial américain vient d’une hausse de 7,6 % du déficit dans le commerce des biens, à 810 milliards, et d’une baisse de 1,5% du surplus dans le commerce des services, à 244 milliards.
En matière seulement de commerce des biens, les exportations américaines ont connu leur plus forte hausse en six ans (+5,5%), mais il en a été de même des importations (+6,7%). La Chine compte à elle seule pour presque la moitié (+ 28 milliards à 375 milliards) du déficit américain, suivie de loin par le Mexique (+ 7 milliards à 71 milliards), le Japon (69 milliards) et l’Allemagne (64 milliards).
Visa le noir, tua le blanc
Ces chiffres pourraient conforter Donald Trump dans les actions qu’il a déjà entreprises en matière commerciale. Accusant la Chine de tous les maux, son gouvernement a récemment décrété des sanctions commerciales contre les importations chinoises de panneaux solaires et de machines à laver. Elle a aussi promis d’autres mesures semblables contre la Chine dans l’acier, l’aluminium ainsi qu’en matière de propriété intellectuelle.
Décrivant les États-Unis comme le dindon de la farce de la plupart des accords commerciaux, le président Trump a aussi rayé la signature de son pays au bas de la première mouture du Partenariat transpacifique, entrepris une guerre d’usure contre le mécanisme de règlement des différends de l’Organisation mondiale du commerce, mais surtout forcé la réouverture de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), dont la renégociation avance à grandpeine depuis cinq mois.
«Notre déficit commercial est important et persistant depuis de nombreuses années, et il faudra du temps pour le corriger», a déclaré mardi une porte-parole de la Maison-Blanche dans le Financial Times.
Les tendances commerciales sont aussi le reflet d’un contexte économique général marqué notamment par une économie américaine qui touche au plein-emploi et à une rare croissance économique synchronisée, a observé le Wall Street Journal citant des experts. Mais d’une certaine manière, le gouvernement Trump a aussi été l’artisan de son propre malheur. Ces récentes baisses d’impôt massives permettent aux entreprises et aux ménages d’acheter plus d’équipements et de biens de consommation venus de l’étranger. Les entreprises américaines ont aussi eu tendance, ces derniers mois, à acheter le plus d’acier et d’aluminium étranger possible avant qu’ils ne soient frappés de tarifs d’importation. Les menaces répétées de Donald Trump de déchirer l’ALENA ont plombé le peso mexicain, rendant d’autant plus intéressant pour les Américains d’acheter au Mexique, en plus d’inciter les compagnies mexicaines à aller chercher leurs fournisseurs ailleurs qu’aux États-Unis.
Le Canada réduit son déficit
Le Canada a réduit, quant à lui, de 25,9 milliards à 24 milliards $CAN, soit d’un peu plus de 7%, son déficit commercial en matière de biens l’an dernier, a rapporté mardi Statistique Canada. La «quasi-totalité» de la hausse de 5,3% de ses exportations, à 549 milliards, est attribuable au secteur énergétique, à la faveur notamment d’une hausse des prix ainsi que de la demande. L’augmentation de 4,7% de ses importations, à 573 milliards, est aussi venue, quant à elle, des produits énergétiques, mais également des pièces et véhicules automobiles ainsi que des produits de consommation.
Le surplus commercial avec les États-Unis a augmenté à 40 milliards, mais le déficit avec le reste du monde (64,3 milliards) est «le pire jamais enregistré», a déploré l’économiste de la Banque Nationale, Krishen Rangasamy. Engagé dans une bataille de chiffres contre Washington en ce domaine, Ottawa rappelle chaque fois qu’une grande part de son surplus avec les États-Unis tient aux exportations de pétrole canadien et que cela se transforme en léger déficit (de 8 milliards en 2016) lorsqu’on prend aussi en compte le commerce des services.