Le Devoir

Le modèle des hôpitaux anglophone­s cité en exemple

Quarts de travail de 12 heures et heures supplément­aires obligatoir­es inexistant­es

- ISABELLE PORTER à Québec

Alors que tous dénoncent les heures supplément­aires obligatoir­es imposées aux infirmière­s, certains font remarquer que les hôpitaux anglophone­s, eux, n’y recourent presque jamais. Faudrait-il s’en inspirer ?

Oui, répondent à l’unisson les patrons, représenta­nts syndicaux et experts contactés par Le Devoir. Mais avec quelques bémols.

Tous s’entendent d’abord pour dire que le modèle du CUSM se distingue des autres. Contrairem­ent aux autres hôpitaux du Québec, les quelque 3000 infirmière­s qui y travaillen­t ont la possibilit­é de faire des quarts de travail de 12 heures au lieu de 8.

«À peu près 80% de nos postes sont des postes de 12 heures», explique Richard Fahey, directeur des ressources humaines du CUSM qui inclut l’Hôpital général de Montréal, l’hôpital Royal Victoria, l’Hôpital neurologiq­ue, le Centre Lachine et le Glen. «Donc, la personne travaille trois jours par semaine au lieu de cinq, mais elle travaille plus longtemps quand elle est sur le site.»

De plus, la plupart de ces postes sont rotatifs. «Ça veut dire que, sur une période de six semaines, une infirmière va être appelée à travailler de jour, de soir, de fin de semaine et de nuit. »

Mais surtout, les infirmière­s soumettent dans un logiciel interne les quarts de travail qui leur conviennen­t. Des propositio­ns qui sont retenues à moins que toutes les plages ne soient pas couvertes.

«Ça fait en sorte que les heures supplément­aires obligatoir­es chez nous, ça n’existe à peu près pas», ajoute M. Fahey en parlant de «moins de 1% des cas». Ce modèle remonte au moins aux années 1980, précise-t-il.

Pourtant, les employés du CUSM sont représenté­s par les mêmes syndicats que le reste du réseau, soit la Fédération interprofe­ssionnelle de la santé (FIQ). D’ailleurs, les ententes conclues entre les infirmière­s et Québec permettent les quarts de travail de 12 heures. Or une minorité d’établissem­ents s’en prévalent.

Moins de hiérarchie

Autre différence, la «collégiali­té», indique Jacinthe Pepin, directrice du Centre d’innovation en formation infirmière (CIFI) de l’Université de Montréal.

«Il y a moins de hiérarchie, c’est un travail d’équipe, observe-t-elle. On travaille sur cette approche-là dans le monde francophon­e, mais c’est plus implanté du côté anglophone. »

Mme Pepin a aussi remarqué que la proportion d’infirmière­s qui ont un diplôme universita­ire «est plus élevée» dans le monde anglophone. Pourquoi ? Mme Pepin préfère ne pas trop s’avancer, mais mentionne qu’au Canada anglais, «il faut avoir un baccalauré­at pour devenir infirmière» alors qu’au Québec, on embauche beaucoup de diplômées des cégeps. «La France, de son côté, commence à peine à intégrer les infirmière­s dans les université­s. »

Sa collègue de l’Université Laval Clémence Dallaire note, elle aussi, que la hiérarchie est plus déterminan­te dans les milieux francophon­es, où «la progressio­n de la carrière» est «strictemen­t liée à l’ancienneté » plutôt qu’à la formation.

«Le summum, c’est de travailler de jour parce qu’on a suffisamme­nt d’ancienneté», résume la chercheuse en sciences infirmière­s. «Ça fait en sorte qu’on se retrouve toujours avec des jeunes le soir et la nuit, quand il y a moins de personnel d’encadremen­t et de ressources pour les aider. »

Selon elle, les anglophone­s craindraie­nt davantage que leurs infirmière­s partent vers les États-Unis ou le Canada anglais, où les quarts de travail de 12 heures et les rotations sont également offerts. À cet égard, M. Fahey concède que l’objectif est de «garder les infirmière­s qu’on a formées» et que la proportion d’infirmière­s avec «beaucoup d’ancienneté» est d’ailleurs « plus grande » au CUSM qu’ailleurs.

Pas une panacée

Mais attention, indique Ann Déry, de la section locale de la FIQ au CUSM, le modèle anglophone n’est pas non plus une panacée. «C’est vrai qu’on a des horaires différents, mais une fois qu’on a dit ça, on a les mêmes réalités qu’ailleurs dans le réseau. Notre charge de travail est très lourde, dit-elle. Nos ratios profession­nel-patients n’ont pas été revus depuis des années.»

Quant aux heures supplément­aires, elles ne sont certes pas obligatoir­es, dit-elle, mais le manque de ressources n’en reste pas moins problémati­que. «Si deux infirmière­s sont malades, par exemple, ils vont essayer de les remplacer. Mais si tout le monde dit non, ceux qui restent sont à court de personnel et ça ajoute à la surcharge.» Aussi, les coûts liés aux arrêts de travail sont en hausse, ajoute-t-elle.

Mme Déry concède toutefois que la situation serait probableme­nt encore plus difficile sans le mode d’organisati­on des horaires et les quarts de travail de 12 heures.

Au sujet des problèmes liés aux ratios, M. Fahey dit que cela relève des discussion­s «qui se font au niveau national». À propos de la surcharge, il ajoute que le CUSM « a les mêmes ratios qu’ailleurs» et «n’a pas plus d’argent». «Mais on pense que notre façon de gérer notre personnel nous permet d’attirer et de retenir notre personnel en conséquenc­e. »

La méthode règle des problèmes, mais pas tous, prévient une représenta­nte syndicale

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 ?? MICHAËL MONNIER LE DEVOIR ?? Chez les anglophone­s — au Québec, au Canada comme aux États-Unis —, il est courant de proposer des horaires de 12 heures aux infirmière­s.
MICHAËL MONNIER LE DEVOIR Chez les anglophone­s — au Québec, au Canada comme aux États-Unis —, il est courant de proposer des horaires de 12 heures aux infirmière­s.

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