La famille d’un homme abattu par le SPVM poursuit Montréal
Les deux soeurs de Pierre Coriolan, mort le 27 juin dernier lors d’une intervention policière musclée, ont déposé une poursuite d’un peu plus de 160 000$ mercredi contre la Ville de Montréal.
La famille de M. Coriolan reproche aux policiers d’avoir eu recours à une force démesurée alors que l’homme de 58 ans était en détresse psychologique et que, disent ses proches, il ne représentait pas une menace.
Une vidéo a été tournée lors de cette intervention, mais le début de celle-ci n’a pas été capté.
Les images montrent des policiers dans le corridor d’un HLM et des détonations se font entendre. Pierre Coriolan tombe à genoux, puis au sol quand un autre coup est tiré. Les policiers tentent alors de lui retirer un objet qu’il tient dans sa main, un tournevis ou un couteau.
Alors que l’homme est au sol, un policier lui assène des coups de bâton télescopique pour vraisemblablement lui faire lâcher l’objet.
La scène est «extrêmement violente», a estimé Me Virginie Dufresne-Lemire lors d’une conférence de presse.
Trois prises
Pierre Coriolan avait trois prises contre lui: il était Noir, il n’était pas riche et il avait des problèmes de santé mentale, a souligné le militant pour les droits civils Will Prosper.
Outre le bâton télescopique, les policiers auraient utilisé un pistolet à impulsion électrique (Taser), un pistolet de balles de caoutchouc et leur arme de service, mais pas le poivre de Cayenne ni la parole, a dénoncé M. Prosper.
Cette intervention faisait suite à un appel reçu au service d’urgence vers 19h pour un homme en crise.
«Dans son appartement, il n’était pas une menace pour qui que ce soit. Pourquoi n’a-ton pas entrouvert la porte pour jaser avec cette personne ? Quand on est policier, le temps est de notre côté», a souligné Will Prosper.
Cette intervention a entraîné le décès de Pierre Coriolan. Mais à ce jour, la famille n’a jamais pu prendre connaissance du rapport d’autopsie, car le dossier fait l’objet d’une enquête du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), lui aurait-on dit.
Formation des policiers
Les deux soeurs de M. Coriolan, Yolande Antoine et Lizaline Coriolan, n’ont pas voulu attendre le résultat de l’enquête du BEI et ont décidé de poursuivre la Ville de Montréal pour une somme totale de 163 426$ à titre de dommages compensatoires, pécuniaires et punitifs.
La famille estime que le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) devrait cesser d’utiliser les pistolets à balles de caoutchouc, qui ont déjà causé des blessures et des décès.
Rappelons qu’en 2016, JeanPierre Bony était décédé après avoir été atteint par une balle de plastique tirée par un policier.
La famille de Pierre Coriolan juge aussi que les policiers n’ont pas la formation requise pour intervenir auprès d’individus aux prises avec des problèmes de santé mentale et en situation de crise.
Réactions de la Ville
Selon les informations fournies par les avocats de la famille, la vidéo d’un peu plus de quatre minutes a été tournée par une personne qui demeure dans le même immeuble que M. Coriolan et elle n’aurait pas fait l’objet d’un montage, outre le fait que les images ont été zoomées afin d’éviter de montrer d’autres locataires.
Ni le SPVM ni la Ville n’ont voulu commenter le cas de M. Coriolan compte tenu de la judiciarisation du dossier.
La responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville, Nathalie Goulet, a cependant indiqué au Devoir que l’administration Plante comptait se pencher sur la question de la formation des policiers appelés à intervenir auprès de personnes en crise.
En 2012, le SPVM disait vouloir former 200 patrouilleurs, mais il n’a pas été possible, mercredi, de savoir le nombre de policiers ayant réellement reçu cette formation.
«On prend la question très au sérieux», a soutenu Mme Goulet, qui a signalé que la crise qui a secoué le SPVM au cours des derniers mois et l’arrivée d’un nouveau directeur par intérim n’ont pas permis de faire une analyse de tous les dossiers.
En campagne électorale, Projet Montréal avait promis d’interdire l’utilisation des balles de plastique lors de manifestations. L’administration compte toutefois étudier toutes les armes dites intermédiaires, dont les grenades assourdissantes, les Taser et les bâtons télescopiques.
«On veut regarder la situation dans son ensemble et prendre le temps de l’étudier afin de voir si des correctifs peuvent être appliqués», a-telle dit.
Alors que l’homme est au sol, un policier lui assène des coups de bâton télescopique pour vraisemblablement lui faire lâcher l’objet qu’il tient