Le Devoir

Le party devra attendre

Ceux qui croyaient célébrer la légalisati­on de la marijuana le 1er juillet prochain devront patienter. Ottawa a accepté d’accorder quelques semaines de plus aux provinces pour se préparer, mais elles ne sont pas les seules à avoir besoin de plus de temps,

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La légalisati­on de la marijuana se fera en 2018, mais on ne sait pas exactement quand. La date butoir du 1er juillet s’était attiré bien des critiques, y compris dans ces pages, mais elle avait aussi ses avantages, dont celui d’avoir raison de la résistance de certains gouverneme­nts provinciau­x et territoria­ux. Résultat, sept ont présenté ou déjà adopté des projets de loi, cinq ont présenté les orientatio­ns de leurs futures lois et un seul, le Nunavut, n’a rien dévoilé. Les demandes de report n’étaient toutefois pas sans fondement. Responsabl­es d’encadrer la commercial­isation du cannabis, ils ont dû élaborer des lois et des règlements, décider d’un modèle de distributi­on et de vente, déterminer l’âge légal de consommati­on sur leur territoire et ainsi de suite. Devant le comité plénier du Sénat mardi, trois ministres fédéraux ont reconnu que l’adoption de la loi légalisant la marijuana ne serait pas en soi le feu vert attendu. Les provinces, les municipali­tés, les producteur­s, les distribute­urs et les vendeurs auront besoin de huit à douze semaines de plus pour mettre la machine en marche et être prêts. La marijuana ne sera donc légale qu’après cette période, ont-ils confirmé.

Malgré cela, la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould dit avoir bon espoir de respecter l’échéance — plus vague — de juillet 2018. Il faudrait pour cela que la loi soit adoptée avant la fin mai, mais le Sénat doit encore terminer la deuxième lecture du projet de loi C-45, l’étudier en comité et ensuite procéder à la troisième lecture. Or il ne reste que dix semaines de séances d’ici le 31 mai et personne ne veut escamoter les travaux du comité. On pourrait donc déborder en juin.

Ottawa ne devrait toutefois pas attendre pour clarifier son nouvel échéancier. La nécessité d’une transition ordonnée exige que tous les acteurs sachent à l’avance à quoi s’en tenir. Il n’y aurait aucune honte à reporter l’entrée en vigueur de la légalisati­on à septembre 2018. Ce délai pourrait aussi profiter au gouverneme­nt fédéral, qui a laissé des questions importante­s en suspens. Deux d’entre elles sautent aux yeux. D’abord, il compte toujours retarder d’un an la légalisati­on des produits comestible­s contenant de la marijuana. Cette décision est illogique, car elle aura pour conséquenc­e de laisser un pan important du marché au crime organisé. Ottawa dit avoir besoin de plus de temps pour élaborer cette réglementa­tion complexe. Eh bien, qu’il mette les bouchées doubles comme il l’a exigé des provinces. La légalisati­on ne peut se faire à deux vitesses.

Ensuite, une enquête du Journal de Montréal révélait récemment que de nombreux investisse­urs installés dans des paradis fiscaux seraient associés à des producteur­s autorisés de marijuana. Ceci pourrait permettre au crime organisé de s’y immiscer, se sont inquiétés deux sénateurs qui veulent que l’identité de ces investisse­urs soit connue. Le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a assuré en comité que tous les gouverneme­nts voulaient pouvoir connaître les vrais propriétai­res des entreprise­s, mais la ministre du Revenu national, Diane Lebouthill­ier, n’a encore offert aucune réponse claire à ce sujet.

Il y a finalement cette absence de politique en matière de pardon pour les personnes qui continuent de se retrouver avec un casier judiciaire pour possession simple de marijuana. Cela devrait être corrigé.

Ottawa vient de gagner un peu de temps. Qu’il en remercie les provinces, car lui aussi doit terminer ses devoirs.

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MANON CORNELLIER

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