Le Devoir

Une rétrospect­ive de l’oeuvre de Giacometti au MNBAQ

Le MNBAQ accueille une rétrospect­ive de l’oeuvre du sculpteur suisse

- JÉRÔME DELGADO Collaborat­eur Le Devoir ALBERTO GIACOMETTI Musée national des beaux-arts du Québec, du 8 février au 13 mai

Vingt ans après la première et seule grande rétrospect­ive Giacometti en sol canadien, le Musée national des beauxarts du Québec (MNBAQ) inaugure jeudi une exposition de la même teneur sur l’artiste suisse mort en 1966. Cette Alberto Giacometti est vaste et inclusive, mais portée par un regard frais.

Pour la Fondation Alberto et Annette Giacometti, l’institutio­n parisienne derrière l’imposante mise à jour en 160 oeuvres, l’exposition revêt une importance capitale. Sa directrice et conservatr­ice en chef la considère comme la plus complète — «du point de vue de la diversité, oui, en nombre d’oeuvres, je ne sais pas», précise-t-elle.

«Cette rétrospect­ive permet de renouveler le regard sur Giacometti et d’introduire des oeuvres moins connues, dit Catherine Grenier, commissair­e de l’exposition. Elle offre une occasion de montrer son oeuvre dans une dimension impossible il y a quelques années.»

Arrivée de Londres, où elle a pris son envol en 2017, Alberto Giacometti aurait peu à voir, par exemple, avec la Alberto Giacometti que présentait en 1998 le Musée des beaux-arts de Montréal. La fortune posthume du sculpteur des figures filiformes a évolué depuis.

Le sculpteur, peintre et dessinateu­r, auteur aussi de compositio­ns cubistes ou d’«objets à fonctionne­ment symbolique» — expression chère à Dalí —, est aujourd’hui une vedette chez Sotheby’s. En 2010, un de ses bronzes, L’homme qui marche I, a trouvé preneur pour 109 millions $CAN, établissan­t un record, toutes catégories.

La nouvelle dimension évoquée par Catherine Grenier découle davantage des restaurati­ons et mises en valeur des oeuvres de Giacometti. Elle se matérialis­e depuis 2014 dans un plan soutenu d’exposition­s planétaire­s.

Une conquête en tête

Créée en 2003, la Fondation Alberto et Annette Giacometti a été bâtie sur les fonds et selon les souhaits de la veuve de l’artiste. Elle n’est pas la Alberto Giacometti-Stiftung de Zurich, née, elle, du vivant du sculpteur. Les deux établissem­ents collaboren­t à l’occasion, notamment au moment de l’authentifi­cation d’oeuvres.

La fondation parisienne est cependant celle qui possède la plus grande collection Giacometti, soit quelque 5000 oeuvres. Ses 370 plâtres et ses milliers de dessins font partie de ces oeuvres méconnues, restaurées et au coeur de la nouvelle dimension. En très grande majorité, le contenu de l’actuelle exposition provient ainsi de ses réser ves.

À son arrivée à la tête de la Fondation Giacometti, en provenance du centre Pompidou, où elle a signé une trentaine d’exposition­s, Catherine Grenier a entrepris la «conquête de nouveaux publics».

«On a volontaire­ment poussé une politique destinée à de nouvelles génération­s, qui ne connaissen­t pas Giacometti, et à des publics dans de nouveaux pays, des territoire­s avec de nouveaux musées. C’est un développem­ent important pour la Fondation», dit celle qui a mis en circulatio­n une douzaine d’exposition­s depuis 2014.

Québec peut se considérer comme gâtée, en comparaiso­n de Séoul, par exemple, qui reçoit actuelleme­nt une exposition limitée au portrait. Ce qui a été envoyé au MNBAQ se situe parmi « les plus grands et importants projets à l’étranger», selon Catherine Grenier.

«Ce qui est nouveau, signalet-elle, c’est de traverser la carrière de Giacometti en s’attardant sur chacune de ses étapes. De vraiment montrer qu’il n’est pas l’homme d’une seule esthétique — les structures extrêmemen­t fines. Il a eu avant ça une période de petites figures, et avant la période surréalist­e avec des objets à connotatio­n symbolique, et avant une pensée plastique dans la foulée du cubisme.»

En plus de faire grand cas des peintures et dessins, l’exposition ramène aussi les oeuvres en plâtre au niveau de celles en bronze. L’artiste appréciait cette matière plus rugueuse, plus neutre, et l’exposait lui-même sans réser ve.

Un lieu permanent

Ce programme hors les murs et majoritair­ement hors frontières s’explique du fait que la fondation privée, qui opère sans financemen­t public, ne dispose pas d’un lieu d’exposition. Du moins, pas encore. Mais la donne changera cet été.

L’Institut Giacometti sera inauguré en juin. La date n’est pas encore fixée et le programme, pas encore annoncé. Catherine Grenier accepte cependant de dire que l’exposition inaugurale tournera autour du thème de l’atelier. Il faut dire que la Fondation Giacometti a hérité du minuscule espace parisien de l’artiste, incluant les murs qu’il avait peints.

Si les bureaux de la fondation se trouvent terrés dans une prestigieu­se impasse du 6e arrondisse­ment parisien — la cour de Rohan —, l’Institut Giacometti aura une véritable vitrine: les deux premiers étages d’un bâtiment Art déco de 1912, une oeuvre de l’architecte et décorateur Paul Follot aujourd’hui classée.

L’hôtel particulie­r Follot se trouve à quelques pas de la Fondation Cartier, située sur la grande avenue Raspail. L’Institut Giacometti, qui aura aussi comme mission d’accueillir les chercheurs, reconstitu­era l’atelier de l’artiste et exposera en permanence un cabinet de dessins. Mais les oeuvres de la Fondation continuero­nt à circuler dans le monde, promet Catherine Grenier.

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GORDON PARKS Dans son futur espace d’exposition permanent, la Fondation Giacometti reconstitu­era l’atelier parisien de l’artiste. Le sculpteur suisse est ici photograph­ié en 1951.

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