Nouvelle agence fédérale
Ottawa veut rétablir la confiance des Canadiens et des investisseurs
Le gouvernement Trudeau a décidé de confier l’évaluation environnementale des projets industriels à une seule et nouvelle structure, qui sera chargée de mener des examens plus complets, afin de «rétablir la confiance du public». Mais certains projets majeurs au Québec continueront d’être évalués selon les règles mises en place à l’ère Harper.
Après des années de controverses sur les processus des évaluations environnementales au Canada, Ottawa a annoncé jeudi la création de l’Agence canadienne d’évaluation des impacts (ACEI). Une fois que le projet de loi C-69 sera adopté, c’est cette nouvelle structure qui sera chargée de réaliser tous les examens fédéraux des grands projets, comme les pipelines, les mines, les barrages ou les lignes de transport d’électricité.
Selon la nature des projets, l’ACEI travaillera cependant en «collaboration» avec la Régie canadienne de l’énergie (qui vient remplacer l’Office national de l’énergie), la Commission canadienne de sûreté nucléaire ou encore les offices des hydrocarbures extracôtiers.
Tous les projets ne passeront cependant pas par le processus de l’ACEI. Ottawa compte établir plus tard une «liste» des projets assujettis. «L’accent serait mis sur les projets qui présentent des risques importants pour l’environnement dans des domaines de compétence fédérale», a indiqué le gouvernement dans la documentation rendue publique, sans plus de précision.
Confiance
Chose certaine, le fédéral promet de «rétablir la confiance du public». «Nous allons prendre des décisions fondées sur la science, les données probantes et les connaissances traditionnelles autochtones tout en respectant les droits des autochtones », a ainsi expliqué la ministre de l’Environnement fédérale, Catherine McKenna, jeudi. En définitive, le gouvernement tranchera selon « l’intérêt national », a-t-elle ajouté.
Le gouvernement veut aussi «accroître la confiance des investisseurs», notamment en promettant des «décisions plus rapides» sur les projets soumis à une évaluation elle aussi accélérée. L’objectif, précise le fédéral, est «que les bons projets aillent de l’avant», mais aussi «que les ressources énergétiques arrivent sur les marchés rapidement et d’une façon respectueuse de l’environnement ». Cette disposition est réclamée depuis plusieurs années par le lobby des énergies fossiles.
Qui plus est, le gouvernement canadien dit vouloir s’entendre avec les provinces afin de garantir aux promoteurs de projets qu’ils devront se soumettre à un seul examen. «Cela signifie que nous allons travailler en collaboration avec les provinces afin de mener une seule évaluation, mais les deux juridictions conserveront les mêmes responsabilités face à la prise de décision », a précisé au Devoir le cabinet de la ministre de l’Environnement, Catherine McKenna.
Le gouvernement du Québec n’a pas souhaité commenter cette disposition ni le projet de loi jeudi, disant vouloir en prendre connaissance. À Ottawa, les conser vateurs ont évoqué de «nouveaux fardeaux réglementaires » qui vont nuire à la «compétitivité» économique du Canada, tandis que le Bloc québécois évoquait des obstacles du fédéral pour de futurs projets d’exportation d’électricité d’Hydro-Québec. La société d’État n’a toutefois pas voulu faire de commentaires jeudi.
L’ère Harper
Quant aux groupes environnementaux, ils ont salué dans l’ensemble un pas dans la bonne direction. Toutefois, la prise en compte de la question climatique reste à préciser, selon Équiterre. «Si on se base sur la science et les dispositions de l’Accord de Paris, ça pourrait signifier de bloquer des projets d’exploitation des sables bitumineux ou de pipelines», a ajouté son directeur général, Sidney Ribaux.
La ministre McKenna a toutefois été claire: il n’est pas question de renvoyer «à la case départ» des projets dont l’évaluation a été entamée selon les règles mises en place par le gouvernement Harper et jugées aujourd’hui déficientes.
Cela signifie que des projets majeurs en développement au Québec seront évalués selon ces règles. C’est le cas du projet d’expansion de 750 millions de dollars du Port de Montréal à Contrecoeur, dont l’étude d’impact a déjà été faite et publiée par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale.
Même chose pour le projet d’expansion du Port de Québec, mais aussi pour l’imposant projet d’exportation de gaz naturel Énergie Saguenay. L’entreprise GNL Québec, qui pilote ce projet, a indiqué jeudi au Devoir qu’elle est déjà en train de produire son étude d’impact fédérale. Ce projet de 7,5 milliards de dollars, qui serait relié à un gazoduc de 650 kilomètres à construire, doit permettre d’exporter du gaz naturel provenant de l’Ouest canadien. Celui-ci serait liquéfié, puis chargé à bord de navires méthaniers, à La Baie, qui navigueraient sur le Saint-Laurent.