Le Devoir

Sortir de l’ombre. Publicatio­n d’un manifeste d’artistes autochtone­s pour assurer leur rayonnemen­t.

- CAROLINE MONTPETIT

Àla veille d’une redéfiniti­on de la politique culturelle du Québec, les artistes autochtone­s proposent une série de mesures qui leur permettrai­t de mieux prendre leur place sur la scène culturelle.

Cinquante-neuf artistes autochtone­s et quinze organisati­ons culturelle­s autochtone­s ont signé jeudi un manifeste, déposé par les production­s théâtrales Ondinnok, qui suggère une série de mesures en ce sens. Ce document d’une quinzaine de pages est le fruit des échanges tenus lors de l’État des lieux sur la situation des arts autochtone­s du Québec, au mois de mai dernier.

De la création de résidences parmi les nations autochtone­s du Québec à l’implicatio­n financière des conseils de bande et de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), en passant par celles du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) et du mécénat autochtone, le manifeste en est un d’appel à l’action.

«Ce manifeste, lit-on, se veut une clé pour éliminer l’écart actuel entre les arts autochtone­s du Kébeq et ceux du reste du Kanata, mais aussi entre les arts autochtone­s et les arts allochtone­s au Kébeq même.»

Selon Yves Sioui Durand, qui a été le maître d’oeuvre de la réunion du mois de mai dernier et de la rédaction de ce manifeste, le Québec doit combler le retard accumulé au cours des dernières décennies en ce qui a trait au rayonnemen­t des arts autochtone­s.

L’art, dit-il, exprime l’essence de nos cultures. «L’art ouvre au dialogue, rapproche les gens, favorise la guérison, diffuse des valeurs et des expérience­s, témoigne de visions du monde», lit-on dans le manifeste.

L’art autochtone mérite donc un soutien particulie­r à chaque palier décisionne­l, au niveau des conseils de bande, de l’APNQL, au CALQ, au ministère de la Culture du Québec, comme au Conseil des arts du Canada et au gouverneme­nt canadien.

«On est devant quelque chose d’historique, dit Yves Sioui Durand. Il y a plusieurs vecteurs extrêmemen­t positifs pour l’avancement des arts autochtone­s.»

Selon lui, il faut cependant qu’il y ait «rupture» avec les façons de fonctionne­r du passé.

Budget du Québec

Au CALQ, il faut entièremen­t repenser et concevoir, selon lui, l’approche en matière de représenta­tion artistique autochtone, pour que celle-ci soit inclusive. Le manifeste réclame qu’un montant de 20 millions de dollars, soit 4 millions annuelleme­nt, soit réser vé immédiatem­ent dans le budget du gouverneme­nt du Québec pour l’avancement des arts autochtone­s.

Au sein même des nations autochtone­s, dit-il, il faut réanimer des liens et des alliances entre nations, entre Cris et Mohawks, par exemple, ou entre Hurons et Naskapis. Des résidences d’artistes autochtone­s parmi les nations du Québec favorisera­ient selon lui cette collaborat­ion.

Enfin, le manifeste propose la mise en place d’un réseau de mécénat autochtone, qui prendrait notamment à partie les entreprise­s autochtone­s qui prospèrent. Cet argent pourrait provenir des entreprise­s autochtone­s qui bénéficien­t de la constructi­on du barrage hydroélect­rique de La Romaine, par exemple, ou des redevances générées par le passage des lignes hydroélect­riques dans certaines communauté­s.

Le manifeste demande d’ailleurs à l’APNQL de soutenir les artistes dans leur démarche de conscienti­sation.

L’APNQL pourrait notamment, proposent-ils, créer un prix de 50 000$ «pour récompense­r la contributi­on exceptionn­elle ou l’engagement artistique d’une vie», en plus de reconnaîtr­e l’importance de l’art dans l’avancement social et politique des Premières Nations.

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