Le Devoir

Vente de blindés : Ottawa n’a pas de preuve contre l’Arabie saoudite

Le NPD dénonce la décision de la ministre Chrystia Freeland

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

Les véhicules blindés légers canadiens continuero­nt d’être vendus à l’Arabie saoudite. Le Canada n’a en effet pas réussi à prouver que des véhicules canadiens avaient été utilisés par Riyad contre ses civils. Mais le gouverneme­nt s’engage à revoir le système pour les contrats militaires futurs.

«Les représenta­nts d’Affaires mondiales Canada n’ont trouvé aucun élément de preuve concluant démontrant que des véhicules fabriqués par le Canada ont été utilisés dans le cadre de graves violations des droits de la personne. Il s’agit là de l’opinion indépendan­te et objective de notre fonction publique ainsi que de l’avis qui m’a été transmis en ma qualité de ministre », a déclaré en comité parlementa­ire la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland.

Mme Freeland avait annoncé l’été dernier cette enquête après que des photos eurent surgi dans les médias laissant croire que des véhicules blindés canadiens, des Gurkha fabriqués par Terradyne à Aurora, avaient été utilisés par le régime saoudien lors du siège d’Awamiyah, une ville à majorité chiite de l’est du pays.

Sur la foi de ces informatio­ns, plusieurs voix avaient redoublé d’ardeur pour demander qu’Ottawa suspende les permis d’exportatio­n accordés à l’ontarienne General Dynamics Land Systems (GDLS), qui doit fournir un nombre non divulgué de blindés légers à l’Arabie saoudite moyennant la somme de 15 milliards de dollars.

Fausse route

Selon la députée néodémocra­te Hélène Laverdière, la ministre fait fausse route. «Le critère n’est pas comme la ministre semble l’indiquer d’avoir la preuve que ça a été utilisé, at-elle fait valoir aux journalist­es. Nos règlements disent que s’il y a un risque raisonnabl­e [d’utilisatio­n des armes exportées pour des violations des droits de la personne] ça ne devrait pas être exporté.»

Mme Freeland a refusé de s’engager à rendre public ce rapport interne. «Je devrai le demander au ministère, je dois parler avec les fonctionna­ires. »

Cette réponse a fait bondir Mme Laverdière, elle-même une ancienne employée du ministère. «C’est facile de s’abriter derrière les fonctionna­ires, mais je ne vois pas de raison pour lesquelles le rapport ne devrait pas être public.»

La ministre Freeland a par ailleurs convenu que l’expérience des blindés de GDLS l’avait ébranlée. «Cette expérience m’a amenée à repenser le système canadien relatif à la délivrance de licence d’exportatio­n. J’en suis venue à la conclusion que le Canada peut faire mieux.»

Elle propose d’inscrire dans la loi une « dispositio­n relative au risque substantie­l» qui ferait en sorte que les gouverneme­nts actuel et futurs «n’autorisera­ient pas l’exportatio­n d’une marchandis­e contrôlée s’il existait un risque substantie­l qu’elle puisse être utilisée pour commettre une atteinte aux droits de la personne».

En coulisses, on explique qu’à l’heure actuelle, les droits de la personne font partie de l’analyse, mais ne sont qu’une « considérat­ion ».

Quoi qu’il en soit, ces changement­s n’affecteron­t pas le contrat avec l’Arabie saoudite. «Par principe, le Canada honorera les contrats existants dans la mesure du possible», a dit Mme Freeland. Les partenaire­s commerciau­x du Canada «doivent savoir qu’une entente conclue avec le Canada perdure au-delà des élections».

Le contrat avait été autorisé sous le gouverneme­nt de Stephen Harper.

La ministre Freeland a convenu que l’expérience des blindés de GDLS l’avait ébranlée

Le Canada honorera les contrats existants dans la mesure du possible Chrystia Freeland, ministre des Affaires étrangères

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