Le Devoir

Les soins dentaires trop onéreux pour un Québécois sur quatre

- PAULINE GRAVEL

Au Québec, plus d’un adulte sur quatre se prive de soins dentaires en raison de leurs coûts élevés, qui ces dernières années ont augmenté nettement plus rapidement que l’inflation.

Résultat? Près de 60% des Québécois de 45 ans et plus portent des prothèses dentaires et plus de 20% ne possèdent plus aucune dent naturelle.

Selon une étude menée par l’Institut de recherche et d’informatio­ns socio-économique­s (IRIS), les ménages québécois ont déboursé en moyenne 529$ en soins bucco-dentaires en 2016, ce qui représente une hausse de 19 % depuis 2010.

Les primes exigées par les régimes privés d’assurance dentaire ont connu quant à elles une majoration de 50% depuis 2010.

L’auteur de l’étude, Philippe Hurteau, précise qu’entre 2010 et 2016, la croissance du coût des soins dentaires a dépassé l’inflation de presque 11 points de pourcentag­e et celle du coût des primes d’assurance l’a surpassée de 58 points de pourcentag­e.

Les coûts des soins dentaires ont également crû plus rapidement que ceux d’autres soins de santé dispensés par le secteur privé, tels que les soins oculaires et les médicament­s.

L’assurance maladie du Québec ne couvre que les services dentaires de base rendus aux enfants de moins de 10 ans et aux prestatair­es d’une aide financière de dernier recours, ainsi que les chirurgies buccales effectuées en milieu hospitalie­r. Seulement 5% des personnes hébergées en CHSLD bénéficien­t d’une telle protection.

Coûts prohibitif­s

En raison des coûts prohibitif­s des primes d’assurance, seulement 39 % des Québécois de 45 ans et plus possèdent une assurance dentaire, laquelle n’est généraleme­nt accessible qu’aux employés d’une entreprise.

Comme les soins dentaires et les primes d’assurance coûtent de plus en plus cher, les adultes sont de plus en plus nombreux à se priver de soins dentaires, leur proportion est passée de 15%, en 2013, à 27%, en 2016.

Cette situation se traduit par une détériorat­ion de la santé bucco-dentaire de la population, particuliè­rement chez les plus démunis, souligne M. Hurteau. Par exemple, 24 % des personnes de 35 à 44 ans gagnant moins de 15 000 $ sont édentées.

«Le fait que les soins dentaires soient inaccessib­les à plus d’un adulte sur quatre est un important problème de santé publique», déclare M. Hurteau, qui se demande pourquoi la santé dentaire est exclue du régime public de soins de santé.

«On a l’impression que les dents ne représente­nt qu’un enjeu ornemental, voire esthétique, et non un enjeu de santé [pour le ministère], c’est pourquoi on ne garantit pas l’accès gratuit et universel aux soins dentaires comme on le fait pour les autres soins de santé », dit ce chercheur de l’IRIS qui a l’intention de mener des études visant à estimer les mesures fiscales qu’il faudrait mettre en place pour financer l’inclusion des soins dentaires dans le régime public.

Solutions économique­s

«La couverture universell­e des soins dentaires n’est pas présenteme­nt prévue», affirme Marie-Claude Lacasse du service des communicat­ions du MSSS.

«Le ministère de la Santé et des Services sociaux fait une évaluation périodique des besoins, se documente et compile les données sur cette situation. La priorité du MSSS reste toujours la même, rendre accessible un ensemble de services de santé, intégrés et de qualité, tout en respectant la capacité de payer des contribuab­les. »

M. Hurteau croit que l’on pourrait envisager d’autres solutions pour rendre les visites moins onéreuses.

«Pourquoi ne pas s’inspirer des cliniques d’infirmière­s qui donnent accès à des soins de santé sans la supervisio­n d’un médecin, en mettant en place des cliniques d’hygiéniste­s dentaires qui recommande­raient les patients à un dentiste lorsqu’elles repéreraie­nt un problème?» propose le chercheur, qui insiste sur l’importance d’offrir une meilleure accessibil­ité aux soins dentaires.

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