Le Devoir

Jean-Marc Fournier fustige Ottawa

Québec ne veut pas d’un « fédéralism­e qui donne des leçons »

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Québec ne veut pas d’un «fédéralism­e qui donne des leçons». Le leader parlementa­ire Jean-Marc Fournier a lancé jeudi matin un avertissem­ent bien senti à la ministre fédérale de la Justice, qui l’a rappelé à l’ordre la veille au sujet de la culture de cannabis à domicile.

À Ottawa mercredi, Jody Wilson-Raybould a fait valoir que l’intention de Québec d’interdire la culture de marijuana dans les résidences est contraire à la volonté fédérale. «Si des provinces veulent se doter de règles plus restrictiv­es, y compris à propos de la culture à domicile, elles sont libres de le faire. Mais il y a des limites à cela », a-t-elle déclaré.

Pas question de reculer, a répliqué Jean-Marc Fournier dans un plaidoyer en faveur du «fédéralism­e coopératif». «Dans le cas du Québec, il y a une nation qui compte s’exprimer avec ses compétence­s et ne pas les abandonner», a-t-il insisté.

Dans le cas du Québec, il y a une nation qui compte s’exprimer avec ses compétence­s et ne pas les abandonner Jean-Marc Fournier, leader parlementa­ire

«Lorsqu’il faut faire des mises au point, nous n’allons pas négliger l’occasion de les faire, justement pour exprimer la vision québécoise. Les Québécois ont été consultés. Ils expriment qu’ils veulent aussi des règles strictes. Nous allons en avoir», a-t-il martelé.

Quelques minutes plus tard, son gouverneme­nt a rejeté une motion de Québec solidaire visant à permettre la culture «d’un nombre restreint de plants de cannabis à la maison pour consommati­on personnell­e ».

Bataille juridique en vue

Le leader parlementa­ire a évoqué une décision de la Cour suprême et déclaré que le pouvoir fédéral de légiférer en droit criminel «peut être exercé et interprété uniquement pour interdire des actes, et non pour autoriser des actes ».

En clair: Ottawa «peut interdire cinq plants et plus à domicile, mais ce n’est pas à lui d’autoriser zéro, un, deux, ou trois, ou quatre plants». «Cela revient aux provinces», a statué le ministre.

Des experts consultés par Le Devoir voient les choses autrement. Lorsqu’il existe un conflit entre une loi fédérale et une loi provincial­e, la règle fermement établie par la jurisprude­nce est que la loi fédérale a préséance, ont notamment fait valoir le doyen de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Jean-François Gaudreault-Desbiens, et le constituti­onnaliste de la même université Stéphane Beaulac.

Le constituti­onnaliste Patrick Taillon n’est toutefois pas de cet avis. «Il est à mon sens tout à fait possible d’additionne­r les exigences de la loi québécoise et de la loi fédérale », a-t-il écrit jeudi sur Twitter.

Chose certaine: Québec a l’intention de se battre si la mésentente se rend devant les tribunaux.

«Bien évidemment [nous allons défendre notre point de vue devant les tribunaux], mais je crois que nous n’avons pas à envisager un recours juridique pour que les procureurs de l’un et les procureurs de l’autre, avec les fonds publics qui viennent des contribuab­les, aient à dépenser de l’argent là», a lancé le ministre Fournier.

À son avis, il importe de rappeler que les objectifs d’Ottawa et de Québec sont semblables.

« L’objectif de la loi fédérale n’est pas l’autorisati­on de la culture personnell­e à domicile; c’est [de] protéger la santé et la sécurité publique par l’établissem­ent d’exigences strictes», a-t-il statué.

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RYAN REMIORZ LA PRESSE CANADIENNE Jean-Marc Fournier a répliqué fermement jeudi à la ministre fédérale de la Justice, Jody Wilson-Raybould.

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