La Cour pénale internationale ouvre des enquêtes sur le Venezuela et les Philippines
La Cour pénale internationale (CPI) a ouvert simultanément jeudi deux «examens préliminaires» portant sur des crimes commis au Venezuela, théâtre de troubles politiques meurtriers, et aux Philippines, où sévit une guerre sanglante contre la drogue.
Cette ouverture simultanée — inédite dans l’histoire de la Cour — survient après des démarches de responsables de l’opposition qui accusent leurs gouvernements respectifs, à Caracas et à Manille, de crimes contre l’humanité.
«Je suis de près les situations aux Philippines et au Venezuela depuis 2016… J’ai décidé d’entamer un examen préliminaire [étape préalable à une enquête, NDLR] dans chacune des situations en cause», a déclaré la procureure de la CPI, Fatou Bensouda, dans un communiqué.
En novembre, Mme Bensouda avait reçu à La Haye, où est basée la CPI, l’ex-procureure générale du Venezuela Luisa Ortega, venue demander l’ouverture d’un examen préliminaire sur les meurtres et tortures présumés commis par les dirigeants de ce pays en proie à une grave crise politique et économique.
Depuis avril 2017, les forces de l’ordre du Venezuela auraient fait subir à des manifestants et des opposants politiques, ou perçus comme tels, de graves sévices et des mauvais traitements pendant leur détention, a dit Mme Bensouda.
«Des groupes de manifestants auraient également eu recours à la violence, faisant des morts et des blessés au sein des forces de l’ordre », a-t-elle ajouté.
Guerre antidrogue
Aux Philippines, la procureure examinera des crimes commis lors de la sanglante guerre contre la drogue «déclenchée par le gouvernement philippin».
Élu dans un fauteuil en 2016, le président Rodrigo Duterte avait promis d’éradiquer le trafic de drogue en faisant abattre des dizaines de milliers de délinquants.
Mis au courant jeudi de l’ouverture de l’examen préliminaire, le porte-parole de M. Duterte a aussitôt démenti les accusations de crime contre l’humanité portées contre le chef de l’État.
Depuis l’élection de M. Duterte, près de 4000 trafiquants et usagers de drogue présumés ont été tués par la police. Les autorités enquêtent également sur plus de 2000 autres meurtres «commis en relation avec la drogue» par des inconnus.
Les défenseurs des droits de la personne estiment que le nombre réel de morts est le double des chiffres officiels et qu’une bonne partie des meurtres ont été commis par des miliciens de l’ombre.
«Nombre des faits rapportés concerneraient des meurtres extrajudiciaires perpétrés au cours d’opérations policières de lutte contre la drogue », a souligné Fatou Bensouda.
La police, elle, dit agir en état de légitime défense.
Jude Sabio, l’avocat derrière le dépôt de dossier, s’est dit «transporté de joie» par la décision de la CPI. «C’est un grand pas car, finalement, le système d’escadrons de la mort mis en place par Duterte pourra faire l’objet d’une enquête», a-t-il déclaré, espérant qu’elle débouchera sur l’arrestation du président.
Toutefois, il n’est pas certain que ces deux enquêtes préliminaires permettent, un jour, de traîner des coupables sur le banc des accusés à La Haye.
La procureure de la CPI va d’abord devoir déterminer si elle est bien compétente pour enquêter sur ces crimes au regard des critères posés par le Statut de Rome, traité fondateur de la Cour ratifié par le Venezuela et les Philippines.