Le Devoir

Les familles ne sont pas une marchandis­e électorale

- NATHALIE ST-AMOUR Professeur­e à l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et chercheuse au partenaria­t Familles en mouvance (INRS) MÉLANIE BOURQUE Professeur­e à l’Université du Québec en Outaouais (UQO)

Récemment, le gouverneme­nt Couillard a rendu publiques différente­s mesures qu’il compte mettre en place afin d’améliorer la qualité de vie des familles. Pour les parents, toute politique susceptibl­e de faciliter la conciliati­on de la vie familiale avec les responsabi­lités profession­nelles et les études est certaineme­nt la bienvenue.

Dans un avis scientifiq­ue publié en 2013 pour le compte de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), nous avions d’ailleurs proposé un assoupliss­ement du congé parental, de même qu’une révision des normes du travail pour permettre aux travailleu­ses et aux travailleu­rs d’avoir accès à plus de congés rémunérés pour des raisons familiales et à une période de vacances plus longue.

Nous devrions donc nous réjouir des annonces récentes du gouverneme­nt actuel. Nous accueillon­s toutefois ces intentions avec une certaine retenue. D’une part, nous croyons, comme d’autres acteurs intéressés par la situation des femmes et des familles, que la question complexe de la conciliati­on travail-famille ne doit pas être traitée à la pièce. Elle devrait plutôt faire l’objet d’une politique spécifique qui traduit un engagement social et politique envers les familles québécoise­s. À ce titre, les études sur les effets des politiques montrent qu’il est difficile d’évaluer les impacts d’une mesure prise isolément. De plus, il faudra attendre les détails de la mise en oeuvre de ces programmes afin de pouvoir saisir pleinement leurs bienfaits pour les mères, les pères et les autres intervenan­ts impliqués.

Exercice électorali­ste

Notre plus grande critique vise toutefois l’exercice électorali­ste auquel se prête le gouverneme­nt de monsieur Couillard avec l’annonce de ces mesures visant les familles. Disons d’emblée que le Parti libéral n’est pas le seul à courtiser les familles en cette période préélector­ale. De son côté, le Parti québécois entre en opération de séduction en parlant de services de garde. Il suggère de revenir à un tarif de garde unique, peu importe le revenu des parents, et de diminuer le coût pour un deuxième enfant. Dans le cas d’un troisième enfant ou pour les familles dont le revenu annuel est de moins de 34 000$, le service serait tout simplement gratuit. Dans le camp de la CAQ, le chef, qui se targue de vouloir former un gouverneme­nt des familles, reste plutôt discret sur les moyens qu’il compte mettre en place.

Or, nous souhaitons rappeler aux femmes et aux hommes politiques du Québec que les familles ne sont pas une marchandis­e électorale et qu’elles continuent de contribuer au développem­ent démographi­que, social et économique du Québec au quotidien.

Pourtant, le gouverneme­nt actuel est celui qui a mis en place la modulation des tarifs pour les services de garde, une mesure qui a favorisé le développem­ent des services de garde à but lucratif et qui a ouvert une brèche dans la solidarité sociale envers les familles. Mentionnon­s également le sous-financemen­t des organismes communauta­ires oeuvrant avec les familles et pour défendre leurs droits. La précarité financière de ces organismes est lourde de conséquenc­es: trop d’énergie doit être consacrée à la recherche de financemen­t plutôt qu’à répondre aux besoins des familles.

Rappelons finalement que ce sont les femmes et les hommes, les proches aidants, qui doivent compenser le manque d’accessibil­ité aux services publics; pensons ici aux services de soutien à domicile par exemple. Il serait donc temps qu’un gouverneme­nt propose une politique de conciliati­on travail-famille intégrée en début de mandat plutôt que des mesures à la pièce en campagne électorale qui risquent fortement d’être oubliées.

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