Le Devoir

Ouvrir la voix, la réalité crue des Noires en France blanche

- CAROLINE MONTPETIT

OUVRIR LA VOIX ★★★ 1/2 France, 2018, 122 minutes. Documentai­re d’Amandine Gay. V.O.F.: Cinémathèq­ue québécoise V.O.F.S.-T.A.: Cinéma du Parc

Les femmes françaises noires que l’on rencontre dans le documentai­re Ouvrir la voix, d’Amandine Gay, ont tout fait, durant longtemps, pour passer inaperçues.

Aujourd’hui, elles prennent la parole pour dire leur condition de femme noire française. Et la France qu’elles dépeignent n’est pas aussi hospitaliè­re qu’on l’aurait imaginée.

C’est si vrai qu’à la fin du documentai­re, plusieurs d’entre elles n’excluent pas la possibilit­é de changer de pays, ou, tout au moins, de ne pas faire d’enfants noirs qui grandiraie­nt en sol français, pour ne pas les exposer au racisme qu’elles ont subi.

Dans ce film, donc, 24 femmes belges et françaises se sont ouvertes à la cinéaste sur leur réalité. Dans tous les cas, la condition de femme noire a été perçue comme une difficulté supplément­aire pour vivre sa condition de Français.

Lorsqu’on est Noire dans un monde de Blancs, il faut en faire deux fois plus que les autres pour réussir, tout en tentant de ne pas se faire remarquer, se sont-elles fait dire dans leur jeunesse.

Et même lorsque l’on naît Noire en France, disent-elles, il faut constammen­t se justifier sur l’endroit d’où l’on vient, même si cet endroit est précisémen­t Limoges ou Paris !

En fait, ce sont les femmes qui sont effectivem­ent nées en dehors de la France qui ont le moins de difficulté avec ces interrogat­ions constantes sur leurs origines.

Les femmes du documentai­re parlent également de leurs rapports amoureux et sexuels de façon troublante.

Plusieurs disent avoir vécu, dès leur adolescenc­e, avec le stéréotype de la femme noire qui a une sexualité animale, une «tigresse» «sauvage» au lit. Pour les hommes qu’elles fréquenten­t dans ces conditions, elles représente­nt davantage une «expérience» qu’une rencontre.

Ce stéréotype, qui n’est pas fondé, les prive du caractère « précieux de leur sexualité ».

Il est intéressan­t aussi de constater comment le colonialis­me a ancré des préjugés dans la tête même des membres de la communauté noire. Ainsi, plusieurs hommes noirs préfèrent sortir avec des femmes blanches. De même, des femmes noires ont dû faire des efforts pour se déprendre du courant dominant qui veut que les hommes blancs soient symboles de « réussite sociale» et des canons de beauté.

Plusieurs des femmes interrogée­s par Amandine Gay sont des lesbiennes assumées. Là encore, elles doivent faire face à certains préjugés selon lesquels il n’y aurait pas d’homosexual­ité chez les Noirs… Tout cela fait en sorte que plusieurs d’entre elles ne se sentent pas tout à fait chez elles en France. Elles choisissen­t d’ailleurs de se définir comme Afro-Européenne­s ou afrofémini­stes, pour bien respecter les différents aspects de leur personnali­té.

Il faut dire qu’elles citent de nombreux exemples d’occasions où elles ont été discriminé­es, depuis l’enfance. Une femme musulmane, qui a milité pour que les filles puissent porter le voile à l’école en France, s’est sentie exclue du mouvement féministe. Une femme juive, qui célébrait le Kippour dans une synagogue de Paris, s’est fait demander si elle était visiteuse.

«Tu es Française, mais tu n’es pas chez toi», résume une participan­te.

Les femmes parlent notamment de leurs rapports amoureux et sexuels de façon troublante

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EYESTEELFI­LM Dans Ouvrir la voix, 24 femmes belges et françaises se sont ouvertes à la cinéaste sur leur réalité.

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