La non-rencontre
La pièce Closer – Tout contre toi offre une plongée intelligente mais limitée dans les mystères du rapport amoureux
CLOSER – TOUT CONTRE TOI Texte de Patrick Marber, traduction de Fanny Britt, mise en scène de Marie-Josée Bastien. Avec David Bouchard, Jean-Michel Déry, Claudiane Ruelland et Alexandrine Warren. Une production du Théâtre Niveau Parking, au Centre des congrès de Québec jusqu’au 22 février.
Closer – Tout contre toi propose un huis clos pour deux femmes et deux hommes qui se rencontrent, s’attirent, se repoussent, dans un chassécroisé parsemé de discussions brutales et osées.
Au-delà de la proposition crue, l’histoire bricolée par le Britannique Patrick Marber est un prétexte honnête pour sonder le couple: qu’est-ce qui fait que ça colle — ou pas — entre deux personnes? La pièce possède d’ailleurs cette qualité indéniable de rester au plus près des relations, elle s’en donne les moyens; au fil des mois et des années, on rejoint ainsi ces quatre jeunes adultes à mesure qu’ils vont l’un vers l’une, puis l’une vers l’autre, la pièce laissant de côté les intermèdes pour privilégier les moments de faille.
En contrepartie, on gardera toutefois ce sentiment que le travail n’a pas été fait jusqu’au bout de rendre ces personnages sensibles, d’en approcher la vérité.
La mise en scène de MarieJosée Bastien fait un travail remarquable pour nous rendre l’espace habitable. Les ambiances sonores enveloppantes insufflent des propriétés organiques à la froideur clinique du texte et les transitions efficaces coupent au maximum ses faiblesses, les scènes sont déballées avec aplomb et justesse.
La scène bifrontale étire entre les spectateurs une longue passerelle de mode qui permet le mouvement, les va-etvient des quatre coeurs en quête, entre attirances et répulsions. Les éléments scéniques sont en place.
Les limites du texte
Reste donc à isoler le choix de ce texte qui, pour prisé qu’il ait été à Hollywood ou ailleurs, n’en présente pas moins de profondes lacunes. L’écriture de Marber est riche de nombreuses intuitions, et les traits d’esprit ne manquent pas, mais l’auteur cherche tellement à aller au plus profond de la (non)rencontre sexuelle qu’il en oublie le chemin à faire pour nous y amener. Le film qu’en a tiré Mike Nichols en 2004 n’échappait pas à ce constat. On reste coi, un peu à l’extérieur devant des virtuosités.
Ces lacunes font évidemment peser un poids immense sur les épaules des comédiens, et il y a des limites à ce que ceux-ci peuvent réchapper. Le quatuor trouve tout de même à se mettre en valeur, les disputes entre Jean-Michel Déry et Alexandrine Warren, d’une part, et entre David Bouchard et Claudiane Ruelland, d’autre part, sont livrées au quart de tour et plusieurs scènes atteignent la cible.
Au final, on n’en nourrit pas moins cette impression tenace d’être trimballés entre des scènes profondes et d’autres où les phrases paraissent plaquées. L’impression de ne pas connaître tout à fait les personnages, aussi, lesquels parviennent peu à leur autonomie. Marber joue au docteur, découpant au scalpel… Jusqu’à en oublier son sujet. Un drôle de médecin qui, pour nous dire l’heure qu’il est, aura pris sa montre pour en démonter tous les rouages.