Le Devoir

Un hommage raté signé Clint Eastwood

Le cinéaste gâche une belle occasion de saluer trois compatriot­es héroïques

- MANON DUMAIS

LE 15H17 POUR PARIS (V.F. DE THE 15:17 TO PARIS) ★ États-Unis, 2018, 94 minutes. Drame de Clint Eastwood. Avec Anthony Sadler, Alek Skarlatos, Spencer Stone, Jenna Fischer, Judy Greer et Ray Corasani.

Le 21 août 2015, Anthony Sadler, Alek Skarlatos et Spencer Stone (eux-mêmes), trois amis d’enfance californie­ns, maîtrisent le terroriste Ayoub el-Khazzani (Ray Corasani) à bord du Thalys 9364 les menant d’Amsterdam à Paris. Armé jusqu’aux dents, l’homme aurait pu tuer les quelque 500 passagers du train. Ce geste héroïque a valu aux trois Américains de recevoir des mains de François Hollande la Légion d’honneur.

Hélas! L’horrible hommage qu’a voulu leur rendre l’honorable Clint Eastwood (American Sniper, Sully) risque de les discrédite­r aux yeux du grand public tant la scénariste Dorothy Blyskal, qui s’est inspirée du livre écrit par Jeffrey E. Stern et le trio héroïque (The 15:17 to Paris: The True Story of a Terrorist, a Train, and Three American Heroes), les dépeint comme trois êtres mal dégrossis.

Pis encore, tous trois sont si dénués de naturel pour le jeu qu’ils pourraient survivre dans la mémoire collective comme les trois pires acteurs ayant été dirigés par le réalisateu­r d’Unforgiven plutôt qu’à titre de héros américains. Réputé pour se contenter d’une ou deux prises, le cinéaste aurait dû déroger à cette habitude… Alors que les trois amis revivent à l’écran des pans de leur vie, on se demande bien pourquoi personne n’a osé remettre en question la fausse bonne idée de leur confier les rôles principaux.

Le geste de bravoure n’ayant duré que quelques minutes, il fallait bien faire du remplissag­e afin d’en faire l’objet d’un long métrage. Au gré de laborieux allers-retours dans le temps, Clint Eastwood met ainsi en scène l’enfance difficile de Sadler, Skarlatos et Stone, peu doués à l’école, victimes d’intimidati­on, ados un peu paumés et peu ambitieux.

Succédant à ces flash-back tournés sans inspiratio­n, avec des enfants mal dirigés, les scènes relatant leur périple en Europe se résument en une suite de banales cartes postales au cours desquelles les trois Américains font des selfies et passent des commentair­es insignifia­nts sur ce qui les entoure. Bref, tout ce qui précède l’épisode du train n’est d’aucun intérêt.

Parmi les rares qualités de ce ratage en règle, mentionnon­s la courte durée du film et la reconstitu­tion efficace de l’attaque terroriste avortée. De fait, bien qu’on en connaisse le dénouement, on ne peut s’empêcher d’être pétrifié sur son siège alors que les passagers affolés vivent les plus longues minutes de leur vie. Les vilains étant souvent des personnage­s plus intéressan­ts que les bons à l’écran, force est de se demander si Clint Eastwood n’aurait pas dû explorer du côté du terroriste afin d’équilibrer et d’étoffer le récit.

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IMAGES WARNER BROS PICTURES Alors que les héros du Thalys revivent à l’écran des pans de leur vie, on se demande bien pourquoi personne n’a osé remettre en question la fausse bonne idée de leur confier les rôles principaux.
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Les scènes relatant le périple des trois amis en Europe se résument en une suite de banales cartes postales.

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