Le Devoir

La Banque du Canada souhaite des politiques pour encadrer les données personnell­es

- ANDY BLATCHFORD à Ottawa

Une haute dirigeante de la Banque du Canada a lancé un avertissem­ent, jeudi, au sujet des risques liés à la domination croissante d’une poignée de grandes entreprise­s dans l’économie numérique — et, plus précisémen­t, à leur monopole sur les données des consommate­urs.

La première sous-gouverneur­e de la banque centrale, Carolyn Wilkins, a affirmé que les gouverneme­nts inquiets des conséquenc­es économique­s négatives que pourraient avoir les grandes sociétés technologi­ques si leur puissance n’est pas contrôlée devraient d’abord se concentrer sur l’ajustement de leurs politiques.

Dans le texte préparé d’un discours présenté jeudi à Montebello, elle a rappelé que l’économie numérique était un moyen prometteur d’augmenter la croissance tendanciel­le et le niveau de vie en général — pourvu que des efforts soient accomplis pour s’assurer que personne ne soit laissé pour compte.

Mme Wilkins a indiqué que la montée des entreprise­s «phares» pouvait entraîner une diminution du nombre d’emplois par rapport à ceux qui sont créés par les entreprise­s traditionn­elles. Il est aussi plus facile pour ces grandes entreprise­s technologi­ques d’éviter les taxes et les impôts puisque leur production n’est pas rattachée à une adresse fixe, a-t-elle ajouté.

Selon Mme Wilkins, le fait d’avoir accès aux données de consommate­urs peut aider les entreprise­s à évincer leurs rivales et affaiblir les bienfaits de la concurrenc­e.

«L’impression selon laquelle le «gagnant rafle toute la mise» s’amplifie dans une économie numérique, car les données des utilisateu­rs y deviennent une autre source de monopole», a affirmé la sous-gouverneur­e dans le cadre d’un symposium du G7 sur l’innovation et la croissance inclusive.

«Nous n’arriverons pas à tirer tous les avantages de l’innovation si nous ne contrôlons pas la puissance du marché. »

Mme Wilkins a noté que les cinq plus grandes entreprise­s technologi­ques du monde possédaien­t une valeur boursière avoisinant les 3500 milliards $US, soit environ le cinquième de la taille de l’économie américaine.

Plusieurs solutions sont possibles, a-t-elle poursuivi, comme la modernisat­ion des politiques antitrust et sur la concurrenc­e, ainsi que l’exploratio­n des règles sur la propriété et le partage de données — peut-être en donnant aux utilisateu­rs la maîtrise de leurs données ou en obligeant les entreprise­s à payer les consommate­urs pour les obtenir.

Mme Wilkins a aussi estimé qu’il valait mieux lever le flou juridique qui entoure la confidenti­alité des données, la sécurité de l’informatio­n et les droits des consommate­urs dans de nombreux États et territoire­s.

Le message de la sous-gouverneur­e survient alors que les leaders de la communauté technologi­que du Canada demandent aux gouverneme­nts de développer un plan pour aider le pays à tirer profit du secteur des mégadonnée­s, qui prend de plus en plus d’importance, et à parer aux risques qui lui sont associés.

Une porte-parole du ministre du Développem­ent économique, Navdeep Bains, a indiqué qu’Ottawa pouvait aider le Canada à devenir un leader dans le secteur des données et que des discussion­s avaient actuelleme­nt lieu à ce sujet.

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ADRIAN WYLD LA PRESSE CANADIENNE Carolyn Wilkins

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