Le Devoir

Le pari fou d’un Mexicain en ski de fond

- PABLO SAN ROMAN à Pyeongchan­g

C’est en janvier 2017 que German Madrazo, déjà âgé de 42 ans, s’accroche pour la première fois de sa vie des skis de fond aux pieds, avec en tête un compte à rebours de 12 mois pour atteindre le niveau lui permettant de s’aligner aux Jeux olympiques de Pyeongchan­g.

Le pari de ce Mexicain est fou et devient carrément utopique après les premières courses. À la chasse aux points attribués par la Fédération internatio­nale de ski (FIS) et nécessaire­s pour être invité aux JO, il enchaîne les déconvenue­s. Mais se lie d’amitié avec un autre néo-skieur engagé dans la même galère, le Tongien Pita Taufatofua, qui avait participé aux JO de Rio en 2016 dans les épreuves de taekwondo et qui venait lui aussi de se lancer dans le ski de fond.

«Après une course en Pologne, où nous n’avions pas encore réussi à nous qualifier [pour les JO], Pita m’a dit en arrivant à l’hôtel: “Bats-toi encore un jour, mon frère, bats-toi jusqu’à la fin” », raconte Madrazo à l’AFP.

Cette phrase est devenue leur leitmotiv: «Tous les matins à l’hôtel, on se disait: “Fight another day, brother.” » Sans résultat.

Arrive ainsi l’ultime chance de marquer les points FIS tant espérés: une dernière course en Islande. Les compères n’ont plus beaucoup d’argent et ne peuvent prendre qu’un billet d’avion aller chacun. Et miracle, le billet s’avère gagnant! Les deux copains se retrouvero­nt bien à Pyeongchan­g.

Persévéran­ce

S’il ne rapportera vraisembla­blement pas de médaille olympique, Madrazo pourra toujours se targuer d’avoir gagné un certain nombre de concours de circonstan­ces dans sa vie, ainsi qu’un diplôme en persévéran­ce.

Car le parcours a débuté en 2011 lorsqu’il a décidé avec son épouse de quitter leur maison de Tamaulipas, dans le nord du Mexique, pour s’installer de l’autre côté de la frontière, au Texas. Deux agressions, dont une à main armée, les ont convaincus de quitter leur pays natal pour les États-Unis et la petite ville de McAllen où ils ont monté un commerce d’articles de sport.

Adepte de la natation et du triathlon, Madrazo a alors été séduit par l’aventure de Roberto Carcelen, le Péruvien qui a couru le 15 km en ski de fond aux Jeux de Vancouver en 2010 et de Sotchi en 2014. «Je l’ai cherché sur Facebook et il m’a donné les coordonnée­s de son entraîneur.».

L’entraîneur «m’a dit qu’il n’avait pas le temps, mais il a ajouté qu’il devait se rendre du Michigan en Utah et qu’il était prêt à m’apprendre à skier si je venais avec lui et que je payais les frais», poursuit-il.

« Et durant cette traversée des États-Unis en voiture, nous nous arrêtions dans les villages pour apprendre à skier. C’est comme ça que le rêve a commencé. » Se posèrent alors les problèmes financiers. «Chaque fois que j’appelais la famille et les amis pour leur demander de l’argent, on me demandait: “Ça y est, tu es qualifié?” Tu te sens comme un parfait idiot. Je me demandais ce que je leur dirais si je n’y parvenais pas, parce qu’ils m’avaient quand même donné beaucoup d’argent», se remémore-t-il.

Alors, beaucoup par orgueil, il l’a fait: en Islande, in extremis, il s’est qualifié pour les Jeux et vivra son rêve à Pyeongchan­g.

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German Madrazo
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