Le Devoir

Examen d’une relation.

- GUILLAUME BOURGAULT-CÔTÉ JESSICA NADEAU

L’UPAC s’intéresse aux liens entre Guy Ouellette et Martin Prud’homme.

L’UPAC a organisé deux rencontres avec le grand patron de la Sûreté du Québec au sujet de ses liens avec le député libéral Guy Ouellette, révèle le mandat de perquisiti­on ayant permis la fouille du domicile de M. Ouellette. Le document démontre que le député et Martin Prud’homme se parlent sur une base régulière.

Obtenu par un consortium de médias dont fait partie Le Devoir, le mandat met aussi en lumière que l’UPAC soupçonne Lino Zambito de faire partie du complot pour vol de documents et fuite d’informatio­ns dans les médias, de connivence avec le député Guy Ouellette et deux policiers de l’UPAC.

Le document est daté du 25 octobre dernier, jour de l’arrestatio­n du député Guy Ouellette. L’interdit de publicatio­n le concernant a été levé jeudi. Les éléments contenus dans les mandats ne constituen­t pas de la preuve. Ce sont des allégation­s des policiers qui n’ont pas été testées en cour.

Le directeur général de la Sûreté du Québec (présenteme­nt prêté au Service de police de la Ville de Montréal, SPVM), Martin Prud’homme, a été rencontré par la GRC à deux reprises au cours de l’automne. Il est considéré comme un «témoin» dans le cadre de l’enquête ouverte par l’UPAC pour découvrir qui divulguait aux médias de l’informatio­n sur des enquêtes en cours.

C’est Martin Prud’homme luimême qui a approché l’UPAC pour demander une rencontre avec les enquêteurs. Il avait été informé de la tenue d’une enquête de l’UPAC sur les fuites entourant le projet Mâchurer et l’implicatio­n potentiell­e de Guy Ouellette.

Par souci de transparen­ce, l’UPAC a demandé à la GRC de mener l’entrevue: plusieurs enquêteurs de l’UPAC sont issus de la SQ, donc sous l’autorité de Martin Prud’homme — qui se dit d’ailleurs «défenseur de “retirer ses membres de l’UPAC” », note le mandat.

«Il veut savoir comment se gouverner [sic] lorsque Guy Ouellette communique­ra avec lui à nouveau»,

écrivent les enquêteurs de la GRC dans leurs notes. «Il a une grande préoccupat­ion par rapport à la façon dont il doit se comporter avec Guy Ouellette. “Je ne suis pas un agent source. Je ne mettrai pas de micros.” Il ne peut pas faire ça dans son rôle. »

Les deux hommes sont régulièrem­ent en contact depuis 1992, quand ils travaillai­ent tous les deux à la Sûreté du Québec.

Ils ont depuis conservé des liens d’amitié. Ils mangent ensemble deux fois par année et se parlent «environ une fois par mois», généraleme­nt à l’initiative de Guy Ouellette, confie Martin Prud’homme.

Des conversati­ons politiques

Martin Prudhomme affirme que jamais Guy Ouellette n’a essayé de lui soutirer de l’informatio­n et que, de toute façon, jamais il ne lui en donnerait. Ils parlent de «politique, de projets de loi, etc.», mais jamais Guy Ouellette ne pose de questions sur des enquêtes de la SQ.

Pourtant, dans une conversati­on de 45 minutes que Martin Prud’homme a eue avec Guy Ouellette peu avant son entrevue avec la GRC, le député l’avait «averti» que deux personnes (dont les noms sont caviardés) n’étaient pas contentes de la progressio­n d’une enquête de la SQ touchant le SPVM. Guy Ouellette aurait aussi confié qu’un enquêteur de l’UPAC «avait une haine envers lui ».

Le grand patron de la SQ ne voit pas de problème à ces échanges entre un membre du gouverneme­nt et un chef policier. «Martin Prud’homme déclare que c’est normal que Guy Ouellette l’appelle. M. Ouellette a un très grand réseau. “Il parle à beaucoup de monde.” »

Lors de son deuxième entretien avec la GRC, le 17 octobre, Martin Prud’homme s’est même «questionné sur le fait qu’il est le seul officier à être rencontré par l’UPAC quand il sait pertinemme­nt que plusieurs de ses officiers vont manger avec Guy Ouellette ».

Les fuites qui préoccupen­t l’UPAC auraient mené à la publicatio­n de plusieurs articles dans plusieurs médias, notamment au sujet de l’enquête Mâchurer, qui vise l’ancien premier ministre Jean Charest et Marc Bibeau, un important collecteur de fonds du Parti libéral du Québec.

Ces fuites ont également mené à la publicatio­n d’échanges de courriels montrant des liens d’amitié entre Sam Hamad et Marc-Yvan Côté.

M. Prud’homme ne croit pas que «Guy Ouellette a des intérêts dans les dossiers de l’UPAC, il le croit honnête et intègre ».

Zambito

L’enquête de l’UPAC vise quatre personnes: Guy Ouellette, Richard Despaties (analyste-enquêteur de l’UPAC congédié en octobre 2016), Stéphane Bonhomme (policier de la Sûreté du Québec qui travaille au Service des enquêtes sur la corruption), et Lino Zambito, dont le nom apparaît aujourd’hui pour la première fois.

La dénonciati­on laisse entendre que Lino Zambito a eu accès à des documents de première main en provenance de l’UPAC. On tente aussi d’établir qu’il parle à Guy Ouellette et Richard Despaties, qui lui auraient transmis des informatio­ns privilégié­es.

M. Zambito a été un témoin vedette de la commission Charbonnea­u. Il a plaidé coupable en 2015 à des accusation­s de complot, de fraude et de corruption pour des infraction­s commises alors qu’il était vice-président de la firme Infrabec à Boisbriand. Il est également témoin dans les projets Lierre et Mâchurer.

Martin Prud’homme déclare que c’est normal que Guy Ouellette l’appelle. M. Ouellette a un très grand réseau. Extrait de notes d’enquête de la Gendarmeri­e royale du Canada

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JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Guy Ouellette et Martin Prud’homme sont régulièrem­ent en contact depuis 1992, quand ils travaillai­ent tous les deux à la Sûreté du Québec.
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JACQUES NADEAU LE DEVOIR

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