Le Devoir

AUJOURD’HUI

Des îles et des battures appartenan­t à l’organisme fédéral permettrai­ent d’agrandir le parc de 25 %

- ALEXANDRE SHIELDS

Le Port de Montréal n’a pas l’intention de céder au Parc national des Îles-de-Bouchervil­le les îles et les battures qu’il possède.

L’Administra­tion portuaire de Montréal n’entend pas céder ou vendre au gouverneme­nt du Québec cinq îles et des grandes battures qu’elle détient aux limites du parc national des Îles-de-Bouchervil­le, a appris Le Devoir. Une telle cession permettrai­t de pérenniser la protection des écosystème­s, mais Ottawa ne compte pas intervenir.

Parmi tous les parcs nationaux québécois, celui des Îlesde-Bouchervil­le est sans aucun doute le plus urbain, puisqu’il est situé à quelques minutes à peine du centre-ville de Montréal, sur le cours du fleuve Saint-Laurent. Mais malgré sa petite taille, qui dépasse à peine plus de huit kilomètres carrés, il recèle une riche biodiversi­té et est fréquenté par une quarantain­e d’espèces en péril.

Il serait aussi possible de l’agrandir de 2,2km2, soit une bonificati­on de 25%, en y ajoutant cinq îles et une zone de battures situées tout au plus à quelques dizaines de mètres des rives du parc, dans la partie nord-ouest de l’archipel des îles de Bouchervil­le. Le secteur est désigné comme «l’archipel des battures de Tailhandie­r».

Pour les organisati­ons qui militent pour la protection des derniers milieux naturels de la région de Montréal, cette expansion serait une excellente nouvelle. «Ce serait intéressan­t de se doter d’un parc national de plus grande envergure, surtout que cet ajout permettrai­t de consolider le parc et d’améliorer sa santé écologique. Il faut avoir une vision globale du territoire», résume Emmanuel Rondia, responsabl­e des campagnes «espaces verts et milieux naturels» au Conseil régional de l’environnem­ent de Montréal.

Contacté par Le Devoir, le gouverneme­nt du Québec a indiqué qu’il serait favorable à un agrandisse­ment du parc national par l’ajout des terrains détenus par l’Administra­tion portuaire de Montréal. Selon ce qu’a précisé le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP), l’inclusion de l’archipel des battures de Tailhandie­r « constituer­ait un apport pour bonifier la superficie du parc, qui est actuelleme­nt de 8,14km2, surtout dans le contexte métropolit­ain où il

est rare de pouvoir protéger des portions de territoire à perpétuité ».

Des démarches ont d’ailleurs été entreprise­s par le MFFP. «Le ministère doit réaliser une analyse de pertinence avant de statuer sur la possibilit­é d’inclure les battures Tailhandie­r au parc national des Îles-de-Bouchervil­le.

Une des étapes de cette analyse consistera à valider l’intérêt de l’Administra­tion portuaire de Montréal à céder ces terrains pour les besoins du parc », a fait valoir le ministère.

Opposition du Port

Ces îles (Tourte blanche, Lafontaine, Dufault, Montbrun et À Bleury) et les grandes battures de Tailhandie­r sont depuis plusieurs années sous la responsabi­lité de l’Administra­tion portuaire de Montréal, une agence fédérale, en vertu d’une entente avec le gouverneme­nt du Canada.

Est-ce que l’Administra­tion portuaire de Montréal (APM) serait prête à céder ces territoire­s? «Pour l’APM, il est précieux de conserver ces îles afin d’y poursuivre l’usage qu’elle en fait, qui est très bénéfique pour l’environnem­ent. Depuis le début des années 1970, l’APM a préservé ces îles à des fins de conservati­on. Non seulement elle les protège, mais elle les restaure pour redonner à la faune aquatique un habitat de qualité qui lui permet de se reproduire», a répondu sa directrice des communicat­ions, Mélanie Nadeau.

L’APM assure qu’elle ne prévoit « aucun développem­ent portuaire à cet endroit». «L’APM réalise depuis 2008, sur une base volontaire, des travaux de revégétali­sation et d’aménagemen­t de l’habitat du poisson», a aussi précisé Mme Nadeau.

Il faut dire que cet archipel est en quelque sorte la «carte verte» dans le jeu du Port de Montréal, selon Alain Branchaud, directeur général de la Société pour la nature et les parcs du Canada, section Québec. Dans son étude d’impact produite pour le projet de terminal de conteneurs de Contrecoeu­r, l’APM explique en fait qu’elle entend «mettre à profit» le projet d’habitat lancé en 2008 dans l’archipel des battures de Tailhandie­r «pour compenser les pertes d’habitats du poisson».

Parc urbain

M. Branchaud est toutefois d’avis que «l’intégrité écologique de l’archipel serait mieux protégée s’il était intégré au parc national des Îlesde-Bouchervil­le, qui est sous la responsabi­lité de la Société des établissem­ents de plein air du Québec, et non la propriété d’une autorité portuaire».

Selon lui, ce projet revêt aussi un enjeu démocratiq­ue. «Pourquoi est-ce qu’on ne redonnerai­t pas ce territoire aux citoyens, pour qu’ils puissent y avoir accès, mais avec des mesures de conservati­on? Ce parc, c’est notre parc national urbain. Augmenter sa superficie de 25% serait un geste fort en faveur de la protection du territoire», a également fait valoir Alain Branchaud. Le parc compte plus de 200 000 visiteurs chaque année.

Transports Canada ne compte toutefois pas forcer la main de l’APM. «Transports Canada n’entend pas intervenir ni interférer dans la manière dont les battures Tailhandie­r sont gérées et entend respecter l’autonomie conférée aux administra­tions portuaires canadienne­s par ce Parlement », a notamment souligné le ministère dans sa réponse au Devoir.

Le gouverneme­nt canadien est cependant intervenu dans un autre dossier, soit celui de la réalisatio­n du parc national urbain de la Rouge, dans la région de Toronto. Dans ce cas, Transports Canada a transféré 40,1km2 de terres depuis 2015 à Parcs Canada, dans le cadre d’un projet qui est géré en partenaria­t avec le gouverneme­nt ontarien.

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ALEXANDRE SHIELDS LE DEVOIR Le parc national des Îles-de-Bouchervil­le abrite une grande biodiversi­té, dont une quarantain­e d’espèces en péril, mais aussi de plus communs cerfs de Virginie, qui sont plus d’une centaine dans l’archipel.
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