Le Devoir

Furieux contre Ottawa, Duterte annule le contrat avec Bell Helicopter

Le président philippin reconnaît vouloir utiliser les appareils de Mirabel dans des opérations militaires contre des rebelles du sud du pays

- MÉLANIE MARQUIS à Ottawa

La décision du gouverneme­nt canadien d’ordonner une révision d’une entente prévoyant la livraison de 16 hélicoptèr­es aux Philippine­s a tant ulcéré le président Rodrigo Duterte que celui-ci a ordonné, en retour, l’annulation du contrat.

« Je veux dire aux forces armées d’annuler l’entente, de ne pas aller de l’avant, et nous trouverons un nouveau fournisseu­r», a déclaré le dirigeant autoritair­e dans une conférence de presse télévisée vendredi.

Puis, il a confirmé les craintes qui avaient émergé au Canada quant à l’utilisatio­n qu’il comptait en faire. « J’achète des hélicoptèr­es parce que je veux les achever », a lâché le président philippin en faisant référence aux rebelles musulmans et terroriste­s du sud du pays.

Utiliser des appareils Bell 412EPI de Bell Helicopter seulement pour des opérations de sauvetage des troupes ou de rapatrieme­nt de soldats tombés au combat est une «propositio­n cinglée », a-t-il enchaîné, disant néanmoins respecter la position du Canada.

À son armée, il a conseillé d’aller s’approvisio­nner ailleurs dans le futur. «N’achetez plus au Canada ou aux ÉtatsUnis, parce qu’il y a toujours une condition rattachée», a lancé Rodrigo Duterte dans son allocution télévisée depuis sa ville natale de Davao, dont il a été maire.

Revue de l’accord

Le régime du président philippin, qui s’est déjà vanté d’avoir personnell­ement largué un homme du haut d’un hélicoptèr­e en plein vol et a affirmé qu’il n’hésiterait pas à le refaire, est accusé de se livrer à de multiples violations des droits de la personne.

C’est la raison pour laquelle des inquiétude­s ont été soulevées en milieu de semaine au sujet de la commande passée par l’armée des Philippine­s pour 16 hélicoptèr­es qui devaient être construits à l’usine de Bell Helicopter à Mirabel, dans les Laurentide­s.

Le ministre du Commerce internatio­nal, François-Philippe Champagne, avait ordonné mercredi dernier à la Corporatio­n commercial­e canadienne (CCC), dont le mandat inclut la facilitati­on d’exportatio­ns canadienne­s à l’étranger, de faire une revue de l’accord.

Il avait pris cette décision après qu’un haut gradé militaire, le major général Restituto Padilla, eut confié à l’agence de presse Reuters que les hélicoptèr­es serviraien­t notamment à des « opérations militaires de sécurité interne».

Emplois à Mirabel

La valeur de la commande s’élevait à environ 235 millions $US. Les hélicoptèr­es Bell 412EPI devaient être assemblés à l’usine de Mirabel de Bell Helicopter, qui emploie 900 personnes. Il ne semble pas que l’annulation de l’entente affecterai­t le nombre d’emplois à Mirabel.

Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle? Le député David Lametti, qui a réagi au nom du gouverneme­nt, a refusé de dire s’il fallait se réjouir que le Canada ne contribue pas à muscler l’arsenal du président Duterte ou être déçu pour l’entreprise qui vient de perdre un contrat.

Au Nouveau Parti démocratiq­ue (NPD), où l’on avait tiré la sonnette d’alarme cette semaine en Chambre, on a fait valoir que cet épisode vient à nouveau mettre en relief la nécessité de resserrer les lois en matière d’exportatio­ns, ce que vise à faire le projet de loi C-47.

Chez Bell Helicopter, on a réagi de manière laconique à l’annonce de la résiliatio­n du contrat, vendredi, plaidant qu’il serait «inappropri­é de commenter ce dossier», entre autres puisque l’examen de la CCC est toujours en cours.

Du côté de la CCC, cette société d’État indépendan­te relevant du Parlement qui a agi comme intermédia­ire pour faciliter l’accord, on a refusé de préciser si le contrat avait officielle­ment été déchiré, vendredi après-midi.

«Le gouverneme­nt du Canada a demandé la revue du contrat en question. Puisque la CCC est impliquée dans ce processus, il serait inappropri­é de faire des commentair­es à ce moment », s’est-on contenté d’offrir dans un courriel.

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AARON FAVILA ASSOCIATED PRESS Rodrigo Duterte a ridiculisé la demande d’Ottawa d’utiliser les appareils seulement pour des opérations de sauvetage des troupes ou de rapatrieme­nt de soldats tombés au combat.

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