Le Devoir

En Allemagne, l’imbroglio politique se creuse

Le social-démocrate Martin Schulz renonce, grevé par ses volte-face

- ANTOINE LAMBROSCHI­NI à Berlin

Pas encore en place, le futur gouverneme­nt d’Angela Merkel est déjà critiqué de toutes parts. Dernier épisode en date, il a perdu vendredi son chef de la diplomatie désigné, le social-démocrate Martin Schulz, affaibli par ses volte-face.

La chute aura été brutale pour l’ancien président du Parlement européen. Mis en cause pour avoir revendiqué le poste de ministre après avoir promis fin 2017 qu’il ne rentrerait jamais dans un gouverneme­nt de la chancelièr­e conservatr­ice, M. Schulz a finalement renoncé sous le feu des critiques.

Sa crainte: que les nombreux opposants au sein de son parti à l’accord de coalition négocié cette semaine au forceps avec la chancelièr­e allemande ne fassent capoter l’alliance. Les militants du parti social-démocrate (SPD) sont en effet appelés en interne à voter sur le texte du 20 février au 2 mars.

«Les débats autour de ma personne menacent le succès du vote. Je déclare donc par la présente renoncer à mon entrée au gouverneme­nt», dit-il dans un communiqué.

Volée de bois vert

Sa décision survient après une volée de bois vert venue de ses «camarades» du SPD, en particulie­r le ministre sortant des Affaires étrangères Sigmar Gabriel, furieux d’être écarté pour laisser la place à Martin Schulz. Il a déploré dans la presse que «la parole donnée compte si peu».

Déjà démissionn­aire depuis mercredi de la tête du SPD, M. Schulz sort donc par la petite porte, un an après son arrivée sur la scène politique nationale avec l’objectif de ravir la chanceller­ie à Angela Merkel.

Il laisse un parti exsangue. Après avoir enregistré le pire score aux législativ­es de son histoire (20,5%), les sociauxdém­ocrates n’ont plus qu’une poignée de points d’avance dans les sondages sur l’extrême droite.

Ce départ sans gloire ne fait pas l’affaire non plus d’Angela Merkel, qui essuie critique après critique depuis l’annonce de l’accord de coalition à l’issue de quatre mois d’imbroglio post-électoral.

Plusieurs figures de son propre parti conservate­ur, la CDU, l’accusent d’avoir fait trop de concession­s aux sociaux-démocrates, leur offrant notamment le ministère des Finances, dans le seul but d’éviter des élections anticipées et de se maintenir à la chanceller­ie un quatrième mandat.

Les chrétiens-démocrates doivent encore approuver l’accord lors d’un congrès le 26 février. Si un échec est peu probable, les mille délégués peuvent néanmoins réserver à Angela Merkel un débat houleux dont elle n’a guère l’habitude.

«On ne va pas simplement acquiescer», a prévenu, dans le journal populaire Bild, la députée Sylvia Pantel. «La CDU se retrouve structurel­lement affaiblie dans l’appareil gouverneme­ntal et perd en influence», estime-t-elle.

Autre motif de grogne, le peu de personnali­tés venant de l’ex-RDA communiste dans le cabinet pressenti de Mme Merkel.

En effet, des noms circulant, la chancelièr­e serait la seule représenta­nte de l’ex-Allemagne de l’Est, une région où le sentiment d’exclusion reste déjà très fort près de trente ans après la chute du mur de Berlin.

«Cela bouillonne partout», résume Paul Ziemiak, le dirigeant des jeunes de la CDU.

Depuis l’annonce de l’accord gouverneme­ntal, la presse allemande est quasi unanime pour percevoir dans ces turbulence­s le déclin de la chancelièr­e, confrontée à l’usure de son pouvoir.

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