Le Devoir

Le beau et la vétérane

Film Stars Don’t Die in Liverpool conte l’ultime passion amoureuse de Gloria Grahame

- FRANÇOIS LÉVESQUE

N’importe quelle comédienne vous le dira, il est plus facile de vieillir pour les hommes que pour les femmes au cinéma. Pour ces dernières, la quantité et la qualité des rôles tendent à s’amenuiser avec l’âge, hélas. Avec si peu de femmes admises derrière la caméra, faut-il s’en étonner ?

Bref, des talents sont en conséquenc­e sous-exploités, oubliés. Un constat cruel qui s’applique entre autres à Gloria Grahame, dont, hormis les cinéphiles férus de films noirs, peu de gens se souviennen­t. Film

Stars Don’t Die in Liverpool revient sur l’histoire d’amour qu’elle vécut au crépuscule de sa vie avec un aspirant acteur. Annette Bening incarne la vedette fanée avec un panache, oui, de star.

L’action démarre en 1981 dans un petit théâtre londonien. Réduite à vivoter entre deux apparition­s à la télé américaine, Gloria Grahame, lauréate jadis d’un Oscar, fait contre mauvaise fortune bon coeur en réalisant son vieux rêve de fouler les planches anglaises. Il ne s’agit pas de production­s prestigieu­ses, mais cela reste du théâtre.

Lorsque l’actrice de 57 ans s’effondre, on contacte un certain Peter Turner, comédien de 28 ans avec qui Gloria a vécu une folle passion quelques années auparavant et à laquelle elle a mis fin abruptemen­t.

C’est que la reine (du noir) se meurt. Et c’est chez Peter, ou plutôt chez ses parents, qu’elle a décidé de terminer ses jours.

Femme complexe

Entre l’hier romantique et l’aujourd’hui douloureux, cette adaptation des mémoires de Peter Turner ménage des moments d’humour salvateurs.

Loin d’offrir une variation de Norma Desmond dans Sunset Boulevard, brillant modèle souvent caricaturé, Annette Bening compose une femme émouvante et forte, pétrie de contradict­ions; complexe, en somme. Ainsi Gloria est-elle forcée à sortir du déni, d’abord quant à la maladie qui la ronge, ensuite, quant à cet amour qui la fait toujours vibrer.

Au passé, Gloria flirte avec Peter qui, d’abord surpris, s’éprend vite d’elle. Au présent, leurs silences expriment un attachemen­t plus profond encore. En deux temps, on assiste à un superbe travail d’interpréta­tion d’Annette Bening autant que de Jamie Bell. Les parents ne sont pas en reste, avec un Kenneth Cranham touchant en paternel qui comprend plus qu’il n’y paraît et une Julie Walters merveilleu­se en mère qui accueille et couve et aime inconditio­nnellement, quitte à s’oublier.

Actrice de tempéramen­t

Habitué des thrillers d’action et occupé ces années-ci par la série Sherlock, le réalisateu­r Paul McGuigan convoque une tendresse qui étonne de sa part, mais qui sied parfaiteme­nt au film. Un film produit avec un petit budget considéran­t la reconstitu­tion d’époque requise et le contexte, sans parler des déplacemen­ts narratifs entre Londres, Liverpool, New York et Malibu. De manière ingénieuse, McGuigan, plutôt que d’essayer vainement de cacher ces moyens limités, en profite pour mettre en exergue les artifices du cinéma, exacerbant, ici une impression de «décor», là, d’écran vert.

Apparences trompeuses pour gloire éphémère. En sous-texte, Film

Stars Don’t Die in Liverpool ne manque d’ailleurs pas de commenter le traitement réservé aux actrices qui font montre de tempéramen­t et qu’on qualifie volontiers de «difficiles». Pour ne pas dire pire. Qui plus est lorsqu’elles ont la mauvaise idée de vieillir.

Sachant cela, on ne peut que se réjouir de retrouver Annette Bening, 59 ans, dans ce film aussi sympathiqu­e à ses rides qu’à son talent.

Film Stars Don’t Die in Liverpool

★★★ 1/2 Drame biographiq­ue de Paul McGuigan. Avec Annette Bening, Jamie Bell, Julie Walters, Kenneth Cranham, Vanessa Redgrave. Grande-Bretagne, 2017, 105 minutes.

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MÉTROPOLE FILMS Annette Bening incarne la vedette fanée avec un panache, oui, de star.

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