Un homme et sa rivière
Une histoire d’amour entre un homme et une rivière. Voilà comment il faudrait résumer Les pieds dans la mousse de caribou, la tête dans le cosmos, le récit condensé de quelques étés passés depuis 2010 avec sa compagne dans un camping de Baie-Trinité, sur la Haute-Côte-Nord, entre Baie-Comeau et Port-Cartier.
Romancier et nouvelliste, directeur littéraire, éditeur nouvellement retraité, l’auteur du formidable Un
dieu chasseur (PUM, 1976) nous raconte ici «le plus bel été» de sa vie. Grand amateur de pêche à la truite, Jean-Yves Soucy (1945-2017) essayait alors, dans la rivière Trinité, de pêcher le saumon pour la première fois de sa vie.
Une sorte de prière
Entre l’aventure et la méditation, sous son regard la pêche à la mouche devient ainsi une sorte de prière qui se fait debout, les pieds dans l’eau: «L’esprit qui vagabonde, libre, accueillant des pensées imprévues qui s’évanouissent aussitôt sans laisser de trace. Quand on range la canne, on a l’impression de n’avoir pensé à rien, que le temps lui-même s’était évanoui. »
Le livre, qu’il pensait d’abord appeler L’été du saumon, est traversé de silences, de méditations et d’anecdotes. Avec générosité, cet homme à l’esprit curieux en profite aussi pour rembourser quelques dettes — envers les Cris, des amis, des écrivains, ou envers la science — avec «l’impression de participer au rythme de la nature ».
Un livre qui prend une tonalité crépusculaire quand on sait que l’auteur est décédé peu de temps après en avoir terminé l’écriture. La mort? Un autre rouage de la vie. «Car je veux la voir en face, savoir que je quitte le monde, soulagé à l’idée que si mes atomes dureront aussi longtemps que l’univers, ma conscience, elle, sombrera dans le néant. »
Gourmand et généreux, gorgé de vie, d’oxygène et de sagesse comme une rivière du Nord.