Tout sur le tanin, ou presque
Cette chronique s’adresse à celles, à ceux et à ma compagne en particulier pour qui la définition, la conception et la perception du mot «tanin» sont aussi obscures que le trou noir tout récemment découvert au sud-ouest de la nébuleuse de la Lagune, à deux jets d’astéroïde des constellations d’Ophiuchus et du Scorpion. Cinq lettres seulement, mais du mystère à revendre, avec cette impression que bon nombre d’entre vous ne voient toujours pas la lumière poindre au bout du tunnel. Alors, explication.
Pas d’embrouillamini ici. Essentiellement cantonné au vin rouge, le tanin est une substance végétale au goût amer et astringent qui, avec les anthocyanes (pigments du vin rouge), trace à la fois la couleur, la saveur et l’évolution du vin. Combinez les tanins et les anthocyanes et vous embrassez là la grande famille des polyphénols. Fin du cours chimie 101.
D’où viennent les tanins ? Essentiellement des pépins, de la rafle et de la pellicule du fruit. Ces trois entités ont atteint un niveau de maturité suffisante? Les tanins de votre rouge seront alors souples, coulants, moelleux et sphériques. Une caresse. À l’inverse, un déficit de maturité marquera ce même vin par des tanins secs, raides, étriqués, astringents ou anguleux. Imaginez sucer longuement une poche de thé Red Rose et vous saisirez l’ambiance. À noter enfin que si le salé et l’acidité renforcent la perception tannique, il demeure aussi que l’effet cumulatif de ces mêmes tanins ajoute à l’impression de corps en structurant solidement le palais.
La qualité des tanins apparaît primordiale en ce qui a trait à la qualité d’un vin. Qu’ils soient abondants ou non, ils participent à cette idée de texture, de «toucher de bouche» comme aiment à le souligner nos amis Parisiens. J’aime d’ailleurs cette idée de toucher de bouche. Selon leur qualité et leur indice plus ou moins élevé, vous passerez du soyeux au rugueux, du fin au grossier, du charnu au décharné, de tanins lisses et fondus aux tanins carrés, austères ou carrément desséchants. Allions la théorie à la pratique avec cinq exemples vous permettant de saisir des profils différents de tanins en fonction de cépages, de styles et de millésimes.
Pitti 2016, Pittnauer, Autriche
(19,15 $ – 12411000) : Les tanins mûrs et fins tendent, sous l’impact d’une saine acidité, à se resserrer sans toutefois devenir convexes. Servis frais, ces derniers afficheront, sous l’effet cumulatif, une pointe d’astringence non négligeable sans pour autant être rébarbative. (5) Arbois Les Parelles 2014, Jura,
France (20,95 $ – 12549164) : Peu d’anthocyanes et encore moins de tanins avec ce cépage ploussard à la fois tendre, souple, coulant et un rien croquant sous la trame légère et fraîche de l’acidité. Sensation satinée en finale. (5) Cline Pinot Noir 2016, Sonoma Coast, États-Unis (22,40 $ – 13234746) : Les tanins boisés se fondent aux autres en tapissant le palais pour mieux le tendre sous l’impact d’une saine acidité. Pas très complexe, mais savoureux. (5 +) © Lou Coucardié 2012, Costières de Nîmes, France (35,75 $ – 10678261) : Avec tout près de 50% de mourvèdre dans l’assemblage, vous pourriez à juste titre ressentir la trame tannique resserrer votre palais sous l’étau, mais non. C’est que Michel Gassier est un maître. Les tanins fins mais abondants offrent ici structure et mâche sans être obtus ni irascibles. Une leçon! (5 +) © 1/2 Barolo 2011, Silvio Grasso, Italie (47,75 $ – 12287782) : Le nebbiolo évoque ces cottes de mailles portées par des chevaliers devant sans cesse étaler leur masculinité lors de combats épiques. Le percevoir au palais, c’est escalader une muraille abrupte de tanins si inextricablement liés que votre salive même n’arrive parfois plus à lubrifier l’ensemble. C’est bien pourquoi il a besoin d’une protéine pour s’amadouer un peu. Classique. (5 +) © ★★★ 1/2
La semaine prochaine : Bordeaux !
Essentiellement cantonné au vin rouge, le tanin est une substance végétale au goût amer et astringent qui, avec les anthocyanes, trace à la fois la couleur, la saveur et l’évolution du vin