Le Devoir

Boire au pays qui a vu naître le vin

Cap vers les vignes de Géorgie, où le vin est un facteur d’identité régionale

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Quand on parle de tourisme du vin, les premières destinatio­ns qui viennent en tête sont souvent la France ou l’Italie, la route des vins au Québec ou en Californie. Pourtant, une autre destinatio­n est non négligeabl­e pour les amateurs de vin : la Géorgie. Pas l’État américain, non, mais le minuscule pays du Caucase du Sud.

Si vous vous rendez dans une succursale de la SAQ et demandez à boire un vin géorgien, seulement deux options s’offrent à vous: le Koncho Mukuzani et le Teliani Saperavi. Un comble, maintenant que l’on sait que c’est dans ce petit pays d’ex-URSS que cette boisson a été inventée il y a près de 8000 ans.

Cette récente découverte nous vient d’ailleurs de l’équipe de l’archéologu­e montréalai­s Stephen Batiuk. « Nous croyons que c’est l’exemple le plus ancien de la domesticat­ion d’une vigne eurasienne à croissance sauvage uniquement pour la production de vin», annonçait en grande pompe en novembre 2017 le professeur de l’Université de Toronto sur sa découverte réalisée à 50 km au sud de la capitale, Tbilissi.

Il est ainsi facile de comprendre pourquoi le vin est une affaire sérieuse en Géorgie, où l’on cultive plus de 530 variétés de cépages. En comparaiso­n, pour une superficie huit fois plus grande, la France n’en possède «que» 210. La production du vin caucasien, de la vigne à la bouteille, se passe même directemen­t dans les jardins de la capitale. Un peu comme si les microbrass­eurs de Québec faisaient pousser leur blé sur leur balcon.

Le vin pour identité

Bien que l’alcool soit produit à des fins gastronomi­ques, il est aussi, et surtout, un véritable outil de promotion de l’identité nationale géorgienne. À la suite du conflit qui a opposé la Géorgie et la Russie en 2008, le vin est devenu une façon de se différenci­er des Russes, buveurs de vodka. En Géorgie, si l’on veut de l’alcool fort, on consomme de la

tchatcha, de l’eau-de-vie faite avec les résidus des raisins, l’équivalent de la grappa italienne.

Dans la capitale, les visites guidées de la ville incluent toutes un passage dans un magasin de vin ou dans un bar à vin. «Après avoir marché pendant près de trois heures, ça permet de conclure joyeusemen­t la visite», nous dit Sarah Dupuis, Québécoise ayant voyagé en Géorgie deux semaines en septembre 2017. C’est grâce à deux visites historique­s données gratuiteme­nt (FabrikaHoo­d Tour et Grand Tour: tbilisifre­ewalkingto­ur.com/our-tours) qu’elle a pu en apprendre davantage sur l’histoire des coutumes locales. «En faisant les toasts à la fin du Grand Tour, on se prête au jeu du tamada, le profession­nel désigné pour lever son verre à la santé des invités», une expérience qui marque bien l’importance de boire, et de boire ensemble, en Géorgie. D’ailleurs, si vous avez l’occasion d’être invité chez des locaux, les chances sont bonnes qu’on vous emmène voir les vignes dans le jardin, le matériel de distillati­on dans le garage et qu’on lève son verre à votre santé autant de fois qu’il en faut pour que vous ayez la tête qui tourne.

Pour les passionnés des visites en vignoble plus officielle­s, il est aussi possible de sortir de la ville. Les régions les plus populaires sont celles de Kakheti, à l’est du pays, qui accueille 65% des vignes du pays, et Imereti à l’ouest. Les deux régions possèdent des climats assez opposés pour proposer des vins complèteme­nt différents et sont à proximité d’autres attraction­s qui valent elles aussi le détour.

Une méthode ancestrale

La méthode traditionn­elle géorgienne consiste à faire fermenter le jus de raisin dans des jarres en terre cuite (nommées kvevris) enterrées dans la terre. Cette méthode de création du vin fait d’ailleurs partie de la Liste du patrimoine culturel immatériel et le Registre des bonnes pratiques de sauvegarde de l’UNESCO depuis 2013.

De plus en plus populaire, cette méthode attire les vignerons étrangers en quête de grands espaces. «C’est un contenant noble, il garde la pureté du fruit et ça ne dénature pas la saveur », explique Bastien Warskotte. Bastien a décidé de s’installer avec sa femme, elle-même Géorgienne, pour créer son propre vin. Le vigneron français a eu l’occasion de travailler en Ontario et en Nouvelle-Écosse. À terme, Bastien compte ouvrir au public Ori Marani, son domaine basé dans la ville Igoeti à 100 km à l’ouest de Tbilissi.

Quant aux vignerons Vincent Julien et Guillaume Gouerou, de Lapati Wines (vignoble situé dans la région de Kakheti), leur vin se vend déjà en Géorgie et en Europe, où « il y a un réel intérêt pour le vin naturel fait de façon traditionn­elle». Le domaine a d’ailleurs été pressenti par un représenta­nt de la SAQ pour une potentiell­e importatio­n.

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PHOTOS ADIL BOUKIND / HANS LUCAS Si vous avez l’occasion d’être invité chez des locaux, les chances sont bonnes qu’on vous emmène voir les vignes dans le jardin, le matériel de distillati­on dans le garage et qu’on lève son verre à votre santé autant de fois qu’il en faut pour que vous...
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La méthode traditionn­elle géorgienne consiste à faire fermenter le jus de raisin dans des jarres en terre cuite (nommées kvevris) enterrées dans la terre
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