Le Devoir

Disparité dans la qualité des services

Jacques Létourneau privilégie l’approche des services subvention­nés

- PIERRE VALLÉE Collaborat­ion spéciale

La multiplica­tion des services en milieu familial non régis et des garderies commercial­es qui ne font notamment pas l’objet d’une évaluation régulière inquiète la Confédérat­ion des syndicats nationaux (CSN), qui fait campagne contre la commercial­isation du réseau.

Ainsi, Jacques Létourneau, président de la CSN, fait un constat alarmant: «La qualité des services éducatifs varie selon le type d’installati­on. »

Il faut savoir qu’il existe au Québec cinq types d’installati­on de garde d’enfant, dont trois à contributi­on réduite. Les garderies à contributi­on réduite sont les centres de la petite enfance (CPE), les garderies privées subvention­nées et les services de garde en milieu familial régis, c’est-à-dire associés à un Bureau de coordinati­on de la garde en milieu familial. Les deux autres types d’installati­on sont les garderies commercial­es et les services de garde en milieu familial non régis. Ces deux derniers types d’installati­on ne reçoivent aucune aide financière de la part de l’État québécois. Toutes les installati­ons de garde d’enfant sont assujettie­s aux lois québécoise­s en la matière.

«Par contre, les études qui ont été menées sur le terrain ont conclu, à partir de critères objectifs, poursuit Jacques Létourneau, que le réseau des CPE est celui qui offrait les meilleurs services éducatifs à la petite enfance. C’est aussi dans ce réseau que les conditions matérielle­s étaient les meilleures. D’ailleurs, c’est le réseau des CPE qui reçoit le moins de plaintes de la part des parents. On peut donc en conclure que le réseau des CPE est dans son ensemble un excellent réseau de garde d’enfants.

Vérificati­on de la qualité

Il existe un programme national en matière de services éducatifs à la petite enfance. «On ne peut pas toutefois qualifier ce programme de véritable programme, car il est basé essentiell­ement sur une série de principes généraux», précise Jacques Létourneau. De plus, s’il s’applique à toutes les installati­ons de garde d’enfants, il n’en est pas de même pour la vérificati­on de son applicatio­n.

«Les CPE ainsi que les autres services de garde subvention­nés doivent soumettre des rapports d’évaluation et peuvent recevoir la visite d’un inspecteur, souligne Jacques Létourneau. Ce n’est pas le cas pour les services de garde non subvention­nés. Comme l’État n’investit pas dans ces services de garde, ils ne sont pas soumis à cette vérificati­on. Évidemment, ils doivent faire approuver leur programme de services éducatifs par le ministère, mais une fois l’approbatio­n reçue, il n’y a aucun moyen de vérifier s’il est vraiment appliqué. Au fond, en matière de services éducatifs, on ne sait pas trop ce qui se passe dans les garderies commercial­es et les services de garde en milieu familial non régis. »

Les éducatrice­s et les éducateurs

La qualité des services éducatifs en service de garde dépend avant tout évidemment des éducatrice­s et des éducateurs qui les prodiguent. Heureuseme­nt, la loi québécoise exige aujourd’hui que toutes les éducatrice­s et tous les éducateurs possèdent un diplôme d’études collégiale­s (DEC) en techniques d’éducation à l’enfance.

«Leséducatr­icesetlesé­ducateursq­ui étaient déjà en poste dans les CPE et garderies privées subvention­nées avant l’adoption de la loi ont reçu une formation d’appoint, menant à une attestatio­n d’études collégiale­s, soit une AEC. Et maintenant, les responsabl­es des services de garde en milieu familial régis demandent que le ministère leur offre la même formation. »

Les garderies commercial­es doivent aussi embaucher des éducatrice­s et éducateurs ayant ce DEC. Mais ce n’est pas là que le bât blesse. «C’est l’important roulement de personnel qui pose problème dans les garderies commercial­es, poursuit Jacques Létourneau. Les salaires sont moindres et les conditions de travail aussi, ce qui fait que ces employés de garderies commercial­es partent dès qu’ils trouvent un poste dans le réseau subvention­né. De plus, lorsqu’ils se retrouvent dans une galerie commercial­e qui applique peu ou pas les services éducatifs, ils se découragen­t et partent, car le travail qu’on exige d’eux est bien en deçà de la formation qu’ils ont reçue. »

Quant aux responsabl­es de services de garde en milieu familial non régis, il n’y a aucune exigence de formation. La seule véritable exigence est le nombre d’enfants que l’on peut leur confier, aujourd’hui limité à six enfants, y compris ceux de la responsabl­e qui sont sur les lieux lors de la prestation de services. «Au fond, on n’a aucune idée que ce qui se passe en matière de services éducatifs dans les services de garde en milieu familial non régis», avance Jacques Létourneau.

Commercial­isation accrue

Les garderies commercial­es posent deux problèmes, selon Jacques Létourneau. Le premier est que l’on ne connaît pas la qualité des services éducatifs offerts, ni d’ailleurs la qualité des autres services, qui sont dispensés dans ces installati­ons. Le second est leur proliférat­ion.

Pour s’en convaincre, on n’a qu’à jeter un coup d’oeil aux chiffres compilés par la Direction générale des services de garde éducatifs à l’enfance. En date du 31 mars 2003, on comptait 1620 places en garderie commercial­e non subvention­née alors que, 14 ans plus tard, soit en date du 31 mars 2017, on en comptait 61 400.

Du 31 mars 2015 au 31 mars 2017, donc sous le gouverneme­nt libéral actuel, il s’est créé un total de 14 124 places. De ce nombre, 4099 places ont été créées en CPE, 478 places en garderies privées subvention­nées et 9557 places en garderies commercial­es non subvention­nées. « Si l’on tient à la réussite scolaire de tous les enfants du Québec, note M. Létourneau, il faut mettre fin à cette commercial­isation. »

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 ?? JACQUES NADEAU LE DEVOIR ?? Le président de la CSN, Jacques Létourneau, s’inquiète de la disparité des services de garde au Québec.
JACQUES NADEAU LE DEVOIR Le président de la CSN, Jacques Létourneau, s’inquiète de la disparité des services de garde au Québec.

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