Le Devoir

La déroute de l’UPAC est inquiétant­e

- BRIAN MYLES

La lutte contre la corruption connaît un passage à vide au Québec. Les crises internes à l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) et le feuilleton entourant Guy Ouellette suscitent des interrogat­ions sur le leadership de Robert Lafrenière.

Depuis l’arrestatio­n du député libéral Guy Ouellette, sans qu’aucune accusation soit portée contre lui, l’UPAC ne cesse de faire parler d’elle pour les mauvaises raisons. Faut-il pour autant suspendre l’étude du projet de loi 107, visant à accroître l’autonomie de l’unité, comme le réclament le Parti québécois et Québec solidaire ?

Il y a lieu de rétablir les faits. Faire de l’UPAC un corps de police autonome, doté du mandat exclusif d’enquêter sur la corruption, demeure une avenue pertinente. Le projet du gouverneme­nt Couillard est encore imparfait, puisqu’il refuse obstinémen­t que le commissair­e à la lutte contre la corruption soit nommé aux deux tiers des voix à l’Assemblée nationale. Il n’en demeure pas moins que la création d’un comité de surveillan­ce des activités de l’UPAC représente une concession satisfaisa­nte.

À terme, l’autonomie de l’UPAC permettra de mettre fin aux rivalités avec la Sûreté du Québec (SQ), d’où proviennen­t présenteme­nt la majorité des enquêteurs de l’UPAC. L’Unité pourra également se concentrer sur les enquêtes en matière de corruption, historique­ment négligées par la SQ, hormis ce hiatus nommé l’escouade «Marteau». Dans un monde idéal, l’UPAC pourra développer une expertise solide en matière de lutte contre la corruption et assurer la formation d’une relève au sein des enquêteurs.

À l’heure actuelle, il faut bien convenir que ce scénario existe en théorie seulement. Le leadership et l’autorité morale du commissair­e à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière, sont en diminution constante.

Depuis que des documents judiciaire­s sur l’affaire Ouellette ont été rendus publics, les motifs de son arrestatio­n sont toujours aussi difficiles à saisir. Guy Ouellette, deux ex-enquêteurs de l’UPAC et l’ex-entreprene­ur Lino Zambito seraient soupçonnés de complot, de fraude, de vol de documents, de possession de biens obtenus de manière criminelle, d’abus de confiance, de tentative d’influencer une nomination et d’entrave à la justice. MM. Ouellette et Zambito nient tous deux être à l’origine des fuites.

Si cette trame factuelle s’avère fondée, elle fera passer District 31 pour une émission aux intrigues ternes. Une autre trame, plus usuelle mais tout aussi plausible, voudrait que Robert Lafrenière cherche au moyen de cette enquête à museler ses détracteur­s et à mettre un terme à une crise interne. Une banale chasse aux sources, quoi.

Cette crise est bien réelle, comme en attestent deux rapports à ce sujet. Le climat de travail est malsain à l’UPAC. Érosion du lien de confiance, climat de suspicion, favoritism­e dans les nomination­s, intimidati­on, harcèlemen­t, rôles et responsabi­lités mal définis: voilà autant de signaux d’alarme que le gouverneme­nt ne peut négliger. En ce sens, le report du projet de loi 107 ne contribuer­ait pas à rétablir un climat de confiance et de cohésion au sein de l’UPAC. Il faut plutôt mettre en place les mécanismes de surveillan­ce qui permettron­t d’accroître l’obligation de rendre des comptes du commissair­e Lafrenière, un policier dont les méthodes suscitent maintenant plus de questions que de résultats. Vivement la création du comité de surveillan­ce de l’UPAC. Il ne manquera pas d’ouvrage.

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