Le Devoir

L’Associatio­n internatio­nale des études québécoise­s est menacée de disparitio­n

La subvention octroyée à l’AIEQ, qui sensibilis­e «le monde à une meilleure compréhens­ion du Québec», a été diminuée de 40 % l’automne dernier

- MILÉNA SANTORO Georgetown University Présidente, Associatio­n internatio­nale des études québécoise­s*

Lettre adressée au premier ministre Philippe Couillard

Depuis vingt ans, l’Associatio­n internatio­nale des études québécoise­s (AIEQ) bâtit et entretient un réseau d’étudiants, de chercheurs, d’universita­ires et d’amoureux du Québec partout à travers le monde. En cette année de notre 20e anniversai­re, l’AIEQ célèbre avec fierté plus de 320 tournées d’auteurs et de cinéastes québécois à l’internatio­nal, l’octroi de bourses d’excellence et de recherche à des centaines de lauréats, l’organisati­on de nombreux colloques scientifiq­ues ainsi que des partenaria­ts et collaborat­ions avec maints organismes, associatio­ns et centres d’études québécoise­s, y compris les représenta­tions du Québec à l’étranger.

Depuis deux décennies, notre réseau sert de levier à la politique internatio­nale du Québec, parce que nos membres offrent des cours ou organisent des événements qui ont fait découvrir et mieux comprendre le Québec à des centaines de milliers d’étudiants et de citoyens, tant au Québec et au Canada qu’à l’internatio­nal.

Au mois d’octobre dernier, le Conseil du trésor du Québec a décrété une diminution de notre subvention (déjà bien modeste) de 40%, soit 52 000$, ce qui aura pour effet, dès le printemps 2018, de mettre fin aux programmes de soutien à la recherche et aux onze bourses.

Nous avons déjà survécu à des efforts pour abolir l’AIEQ, et cela, aussi récemment qu’en décembre 2014. À l’époque, la mobilisati­on des membres de l’AIEQ ainsi que de 25 associatio­ns et organismes québécois représenta­nt des milliers de citoyens avait fait reculer le projet de mettre fin à ses activités. Malgré une fermeture de trois mois, deux déménageme­nts, des centaines de pages de redditions de comptes et de documents justificat­ifs et un resserreme­nt important de nos frais opérationn­els, l’AIEQ a su renaître avec son dynamisme de marque, en travaillan­t en français partout dans le monde. […] En cette seule année de notre 20e anniversai­re, l’AIEQ a collaboré à la réalisatio­n de plus de 70 événements — colloques, diffusion d’ouvrages et autres — aux quatre coins du globe. Le bilan est convaincan­t : l’AIEQ est un puissant outil d’éducation et de para-diplomatie qui sert à sensibilis­er le monde à une meilleure compréhens­ion du Québec et à animer l’intérêt pour les études québécoise­s.

Soutien de l’État

Malgré les efforts du ministère des Relations internatio­nales et de la Francophon­ie pour «trouver des solutions» cet automne, cette amputation mortelle annoncée par le Conseil du trésor semble être considérée comme un fait accompli, sauf par l’AIEQ. Nous avons prouvé, pour notre part, que la logique financière, après analyse des collaborat­ions et services rendus par les bénévoles de notre réseau et leurs institutio­ns, est convaincan­te: pour un colloque de jeunes chercheurs, par exemple, le levier de la subvention de l’AIEQ a récolté sept fois sa somme. L’investisse­ment annuel du ministère dans l’AIEQ correspond à 4,3 ¢ par habitant par année. Qu’on prenne telle autre donnée ou tel autre diviseur, le coût de l’AIEQ est infinitési­mal au regard des bénéfices. Le ministère ne peut faire mieux au même prix; il lui manquera toujours la masse critique des bénévoles et le soutien de leurs organismes. Le ministère et le gouverneme­nt peuvent-ils se payer le luxe de ces économies ?

La saine gestion des fonds publics exige que des programmes et des organismes à but non lucratif, tel que le nôtre, qui font un travail éducatif et de relations internatio­nales, soient soutenus par l’État, car il revient à l’État de promouvoir le modèle de société, les intérêts, la langue française et la culture du Québec à travers le monde. L’AIEQ est un outil indispensa­ble pour le Québec: grâce à son réseau qui s’étend aux université­s et aux centres d’études sur le Canada et le Québec à l’internatio­nal, elle permet la diffusion d’un savoir sur le peuple québécois et ses réalisatio­ns que l’État ne pourrait jamais atteindre autrement. Sans un soutien financier approprié, comme l’a si bien dit la lettre ouverte d’il y a trois ans, «c’est tout son travail de réseautage qui s’en trouverait fortement affaibli et tout le rayonnemen­t de la culture québécoise qui en souffrirai­t grandement». Plus encore, si l’on s’en tient au communiqué de l’été 2017 de la Politique internatio­nale du Québec, se désinvesti­r de l’AIEQ serait nier l’une de ses propres grandes orientatio­ns, à savoir promouvoir la créativité, la culture, le savoir et la spécificit­é du Québec à travers un investisse­ment dans la recherche, l’innovation et le développem­ent du savoir, la culture, et la langue française (Le Québec dans le monde : S’investir, agir, prospérer). Avec l’AIEQ, le MRIF dispose d’un outil capable de l’aider à mener à bien, avec retentisse­ment, tous les éléments de cette politique.

Nous, les membres et les amis de l’AIEQ, qui formons un réseau de plus de 3000 universita­ires, gens des milieux culturels, enseignant­s et spécialist­es, tenons à assurer et à rehausser la place du Québec dans ce monde de la globalisat­ion. Nous vous demandons donc de subvention­ner l’AIEQ avec un budget pérenne, adapté à ses besoins et à ses aspiration­s. L’AIEQ a fait ses preuves depuis 20 ans, et ne demande qu’une subvention stable afin de continuer sa mission essentiell­e et ses programmes indispensa­bles qui ont tant fait pour promouvoir dans le monde la vitalité du Québec et de sa culture.

*La liste complète des signataire­s est publiée sur nos plateforme­s numériques.

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