Le Devoir

Un nouveau média satirique voit le jour au Québec

Né en Suisse, ce modèle à contre-courant mise sur des caricature­s diffusées sur une applicatio­n mobile

- KATIA TOBAR

«On aurait dû y penser avant», s’exclame Marc Beaudet, qui a longtemps usé ses crayons à mine pour Le Journal de Montréal. «Ça prenait quelqu’un de jeune et fou», de lui répondre Guy Badeaux, caricaturi­ste du Droit à Ottawa, mieux connu sous le nom de Bado. Une nouvelle voix naîtra bientôt au Québec, une voix satirique qui nous vient de l’autre côté de l’océan. Elle est portée par le journalist­e suisse Luc Schindelho­lz qui allumera La Torche 2.0 Québec en avril, ainsi que par le porte-parole du projet, Biz, membre des Loco Locass.

De passage à Montréal pour quelques jours, Luc Schindelho­lz est venu présenter au public son projet, ainsi que les trois caricaturi­stes qui dessineron­t pour La Torche 2.0, soit Guy Badeaux (Bado), Marc Beaudet (Beaudet) et Christian Daigle, qui signe ses coups de crayon sous le nom de Fleg, que ce soit au Soleil, pour Yahoo Québec ou même dans Le Devoir.

Cela fait pour La Torche 2.0 trois antennes, ancrées respective­ment à Ottawa, à Montréal et à Québec. «Je me sens un peu privilégié, car on a un maire bien coloré à Québec», ironise Fleg.

La Torche 2.0 est née il y a un peu plus d’un an dans le Jura suisse. Sous la forme d’une applicatio­n mobile, et seulement sous cette forme-là, elle envoie à ses abonnés trois caricature­s par semaine, reliées à l’actualité, et parfois accompagné­es d’un court texte. Ni le moment ni le thème ne sont connus à l’avance. L’idéateur du projet veut jouer sur la notion de surprise. «Éclatez de rire trois fois par semaine», suggère le site de présentati­on, et ce, sans préavis.

«C’est un média à contrecour­ant, un anti-Facebook», explique Luc Schindelho­lz, voulant lutter contre la surstimula­tion d’informatio­ns et contre l’habitude de nombreux lecteurs de s’informer à partir des réseaux sociaux.

Payer pour s’informer, «un geste militant»

La Torche 2.0 se veut un média totalement indépendan­t, qui fonctionne­ra grâce aux abonnement­s d’un montant de 49,95$ par année, permettant de rémunérer les caricaturi­stes.

«Je dis toujours aux dessinateu­rs: “Si vous perdez votre travail, c’est de votre faute; arrêtez de balancer gratuiteme­nt vos dessins sur Facebook ou Instagram”, s’insurge Luc Schindelho­lz. Quand je marche dans la rue, on ne me donne pas une baguette de pain gratuiteme­nt. »

Les préabonnem­ents sont d’ores et déjà ouverts sur le site latorche.quebec. Luc Schindelho­lz espère atteindre 2000 préinscrip­tions avant le lancement officiel de l’applicatio­n. Il propose même un incitatif à l’abonnement: une montre suisse d’une valeur de 8000$ sera offerte à un préinscrit à la suite d’un tirage au sort.

Face au risque de demander au public de payer pour avoir accès aux caricature­s, le porteparol­e, Biz, insiste sur l’importance de sensibilis­er le public à la valeur de l’informatio­n.

« Quand un de ces gars-là [un caricaturi­ste] perd son job, c’est un oeil qui se ferme. Chaque fois que les salles de presse disparaiss­ent, ce sont des points de vue sur le monde qui disparaiss­ent », insiste-t-il.

Pour Luc Schindelho­lz, aujourd’hui, payer pour avoir accès à une informatio­n de qualité,

c’est « un geste militant ».

«Une caricature, en cinq secondes tu l’as vue, mais cela prend parfois une journée de travail», rappelle Marc Beaudet.

«Caricature­r les locaux»

Afin d’asseoir une certaine crédibilit­é et de participer à la lutte contre les fausses nouvelles, ce nouveau média respectera la Charte de déontologi­e de Munich, qui définit les droits et devoirs des journalist­es européens. «On veut jouer sur le phénomène de rareté, que l’informatio­n soit attendue, qu’elle soit drôle, mais aussi pertinente, locale et vérifiée », explique Luc.

En attendant qu’un rédacteur en chef soit nommé pour gérer l’applicatio­n, l’équipe québécoise sera autogérée. «Si un caricaturi­ste veut réagir à l’actualité avec un dessin,

il pourra envoyer une première esquisse au reste de l’équipe, qui jugera de sa pertinence avant publicatio­n. Tu ne peux pas dire que c’est une applicatio­n locale et prendre des décisions à 8000 km. »

C’est cette proximité avec le lecteur, ainsi que cette liberté de ton, qui a attiré dans le projet les trois caricaturi­stes, ainsi que le porte-parole du projet, Biz.

Répondant à l’inquiétude de Marc Beaudet de voir de plus en plus de caricature­s venant de l’étranger être traduites, Biz, qui se trouve « full caricatura­ble», ironise: «En tant que Loco Locass, je trouve ça important de caricature­r les locaux.» Il attend d’ailleurs de pouvoir afficher sa face sur son frigo. À bon entendeur !

 ??  ??
 ?? LA TORCHE 2.0 QUÉBEC ?? Trois caricaturi­stes québécois dessineron­t pour La Torche 2.0, dont Christian Daigle, alias Fleg.
LA TORCHE 2.0 QUÉBEC Trois caricaturi­stes québécois dessineron­t pour La Torche 2.0, dont Christian Daigle, alias Fleg.
 ?? LA TORCHE 2.0 QUÉBEC ?? L’applicatio­n fonctionne­ra grâce aux abonnement­s.
LA TORCHE 2.0 QUÉBEC L’applicatio­n fonctionne­ra grâce aux abonnement­s.

Newspapers in French

Newspapers from Canada