Scandale sexuel : la directrice adjointe d’Oxfam démissionne
Des jeunes prostituées étaient invitées dans des maisons et des hôtels payés par l'organisme
Londres — Le scandale touchant l’ONG Oxfam sur le recours à des prostituées et de potentielles agressions sexuelles par certains de ses agents en mission à Haïti et au Tchad a entraîné lundi la démission d’une dirigeante et la création d’une unité de contrôle des ONG par le gouvernement.
Exprimant sa «tristesse» et sa «honte» à propos d’accusations relatives à «la conduite d’employés au Tchad et à Haïti […] impliquant le recours à des prostituées», Penny Lawrence a annoncé sa démission de ses fonctions de directrice générale adjointe, affirmant «assumer l’entière responsabilité».
Elle a expliqué dans un communiqué que les comportements inappropriés «du directeur pays officiant au Tchad et de son équipe » avaient été « signalés avant qu’il se rende en Haïti». «Nous n’y avons pas répondu de manière adéquate », reconnaît-elle.
Selon une enquête du Times publiée vendredi, des groupes de jeunes prostituées étaient invités dans des maisons et des hôtels payés par Oxfam en Haïti. Une source citée par le quotidien dit avoir vu une vidéo d’une orgie avec des prostituées portant des t-shirts d’Oxfam.
Le quotidien est revenu sur l’affaire lundi, estimant que l’ONG avait « négligé les mises en garde», et nommé son directeur pays en Haïti, le Belge Roland van Hauwermeiren, «malgré des inquiétudes sur son comportement envers les femmes» pendant qu’il travaillait au Tchad.
Oxfam n’avait pas non plus fait part de ses craintes quand ces employés avaient été embauchés par d’autres ONG pour travailler auprès de personnes vulnérables, comme ce fut le cas pour M. Van Hauwermeiren, devenu chef de mission pour Action contre la faim (ACF) au Bangladesh de 2012 à 2014.
Enquête interne
Oxfam, confédération d’organisations humanitaires basée en Grande-Bretagne, a affirmé avoir lancé immédiatement, en 2011, une enquête interne. Quatre employés avaient été licenciés et trois autres ont démissionné avant la fin de cette enquête, a déclaré l’ONG, dont Van Hauwermeiren.
Selon la Commission caritative, organisme qui contrôle les organisations humanitaires au Royaume-Uni, Oxfam n’avait pas rapporté, à l’époque, de potentielles agressions sexuelles commises par ses équipes.
«Notre approche aurait été différente si tous les détails mentionnés par la presse nous avaient été communiqués à ce moment-là», écrit la Commission, qui a demandé à Oxfam de fournir des informations supplémentaires «de toute urgence ».
Mise en garde
La secrétaire d’État britannique au Développement international, Penny Mordaunt, a rencontré lundi après-midi les responsables de l’ONG, à laquelle elle a menacé de couper les vivres si celle-ci ne lui transmettait pas toutes les informations relatives à cette affaire.
Oxfam a reçu 31,7 millions de livres (55 millions de dollars canadiens) de subventions du gouvernement britannique en 2016-2017, ce qui représente près de 8% de ses ressources annuelles.
À l’issue de la réunion, Penny Mordaunt a annoncé la création, au sein de son ministère, d’une unité visant à superviser le fonctionnement des ONG, afin de «s’assurer que tout est fait pour protéger le public contre toute exploitation ou toute agression sexuelle».
La mise en place d’un «registre mondial» des travailleurs du secteur du développement est également à l’étude pour éviter «que des prédateurs puissent être réembauchés par des ONG et sévir de nouveau», a-t-elle précisé.
Dès dimanche, la nouvelle présidente du conseil d’administration d’Oxfam, Caroline Thomson, avait présenté ses excuses et annoncé des mesures visant à renforcer la prévention et le traitement des affaires d’agressions sexuelles.
« Nous continuerons de nous attaquer aux problèmes culturels sous-jacents qui ont permis ce comportement», avait-elle déclaré dans un communiqué, ajoutant qu’Oxfam a «maintenant une culture d’ouverture et de transparence» et tirait «les leçons des événements de 2011».
L’ancienne secrétaire d’État au Développement international, Priti Patel, a relevé que le phénomène des agressions sexuelles n’était pas isolé dans le monde des ONG. «Le secrétaire général de l’ONU luimême a déclaré l’an dernier qu’il y avait au moins 120 cas impliquant plus de 300 personnes — et ce n’est que la partie visible de l’iceberg», a-t-elle expliqué sur BBC Radio 5.