Ski ou raquette ?
Pourquoi l’invention autochtone n’est-elle pas au nombre des épreuves olympiques ?
Du ski au Québec, on ne parla longtemps que fort peu. Pour se déplacer l’hiver, pour s’amuser, pour compétitionner, il y avait d’abord et surtout cette invention autochtone qu’est la raquette, un sport qui aurait bien pu faire partie des épreuves olympiques. Pourquoi ne figure-t-il pas dans la liste des épreuves des Jeux d’hiver ?
Au pays des érables, l’enthousiasme à l’égard du ski est tardif. Il s’agit d’un phénomène d’importation européenne.
En 1879, un certain Monsieur Birch, un Norvégien, attache ses pieds à de longues planches. Ainsi chaussé, cet homme dont nous ignorons à peu près tout entreprend en solitaire une expédition depuis Montréal pour rallier Québec. Monsieur Birch fut le premier skieur observé au Canada. Curieux, sceptiques, narquois, les journalistes rapportent alors son exploit.
Sport aristocratique
Au cours des années qui suivirent, le Montreal Daily
Star parla notamment de ce nouveau sport qui faisait fureur en Norvège. Entre le ski alpin et le ski de fond, il n’y aura pas tout de suite de distinction ferme.
Un groupe de professeurs de l’Université McGill créera la première sortie à ski au pays. Mais tout compte fait, la pratique du ski reste marginale par rapport à la pratique de la raquette, structurée dans de grands clubs répartis sur tout le territoire. Le ski s’apparente aux loisirs discrets d’une certaine aristocratie.
Dans le monde nordique, au début du XXe siècle, la raquette est connue. En Amérique du Nord, elle est l’objet d’épreuves sportives de haut niveau. Le grand champion de ces compétitions est souvent Édouard Fabre, né en 1888, qui s’illustre entre autres dans les courses à étapes entre Québec et Montréal.
La belle saison revenue, ce Montréalais brille dans les épreuves de course à pied de longue distance. En 1911, il participe au marathon de Boston, alors la plus importante épreuve du genre en Amérique. Il y termine troisième. Fabre va se qualifier pour les Olympiques de Stockholm en 1912. Blessé, il y termine onzième. Mais sa gloire, il la tient surtout de ses exploits en raquette.
Pourquoi la raquette n’estelle pas un sport olympique au même titre que le ski? Le choix des sports olympiques ne tombe pas du ciel. La perspective qui préside à la création des Jeux modernes — on l’oublie souvent — est largement eurocentrée.
Le baron de Coubertin et cette aristocratie à laquelle il appartient voient leur attention tournée essentiellement vers les sports venus des Alpes et de la Scandinavie. Dans ce cadre qui n’est pas neutre, le ski apparaît tel un marqueur de distinction sociale: ici comme ailleurs, ses premiers adeptes sont des gens issus de milieux aisés qui ont les moyens de s’offrir de tels loisirs en marge des habitudes populaires.
Les compétitions de raquette de l’Amérique resteront donc épuisantes, mais seront boudées par l’olympisme.